Quelle sortie du nucléaire désirons-nous ?


Attac Suisse, 1205 Genève
suisse@attac.org
 12 mars 2014



L’éolien industriel, à quel prix ?




Au moment de la construction des deux éolienne de Saint-Brais, en automne 2009, le tsunami qui a déclenché la catastrophe nucléaire de Fukushima n’avait pas encore eu lieu. Pour justifier cette colonisation soudaine d’une région jusqu’ici préservée, il a été alors beaucoup question de pénurie d’électricité menaçante et imminente. La sortie du nucléaire n’était pas vraiment à l’ordre du jour et n’était servie que pour rallier quelques voix à la cause du vent de tempête qui menaçait la région.

Le terrible printemps 2011 a été récupéré par les promoteurs de l’éolien industriel, devenus soudainement de fervents acteurs de la lutte contre le nucléaire. Leurs opposants sur le front depuis des mois ont vu les arguments de la pénurie d’électricité fondre comme neige au soleil et naître une lutte anti-nucléaire portée par l’industrie du vent et du soleil et reprise par tous les partis politiques, rassurés d’envisager une transition énergétique basée sur les principes de la croissance.

Nous sommes pourtant loin d’une solution. La production moyenne d’une éolienne allemande ne représente que 16,9% de la puissance électrique pour laquelle elle a été conçue. Pire, cette production descend à 11% après 15 ans d’utilisation selon une étude récente sur 3000 machines installées en Angleterre. Une éolienne produit dans le meilleur des cas 2000 heures sur les 8760 que compte une année (encore moins dans le Jura), ce qui fait que pour chaque éolienne installée, il faut prévoir une autre centrale de production équivalente. Une réalité rarement évoquée dans les scénarios de la transition énergétique, tous partis confondus ; pourtant, le département de Doris Leuthard envisage 6 centrales à gaz pour pallier ce problème.



Si l’accident nucléaire fait craindre à juste titre une catastrophe humaine et environnementale, la construction de centrales à charbon en Allemagne a déjà eu un impact terrifiant sur la nature et les hommes. La crainte de la précarité énergétique liée aux coûts du démantèlement des centrales nucléaires est dorénavant une réalité pour des milliers de citoyens allemands et espagnols, à cause des subsides des États au développement des énergies dites renouvelables. Les seuls ménages paient la transition énergétique ; les industries se servent sur le marché ouvert à des prix sans concurrence et ne subventionnent pas, ou peu, les énergies renouvelables. Et ce n’est pas la libéralisation du marché de l’électricité en Suisse qui va inverser cette tendance !




La transition énergétique, entre théorie enthousiasmante et réalité qui déchante.



On nous vend la transition énergétique comme on nous a vendu le nucléaire : avec des demi-vérités et de gros mensonges. Le marché dicte ses règles et elles n’ont rien à voir avec la sortie du nucléaire. On construit des champs d’éoliennes là où la consommation d’électricité est moindre, voire nulle. On pousse des populations hors de leur terre pour les forcer à rejoindre la masse et devenir à leur tour des consommateurs. On transforme leur région en centrale de production d’énergie et, pendant qu’on y est, on construit des routes, des supermarchés ou des mosquées comme en Turquie, parce que les énergies renouvelables sont un excellent prétexte à la colonisation non seulement des terres mais aussi des peuples insoumis. Là où l’on obtient facilement des permis pour des constructions d’éoliennes sous couvert d’écologie, on ouvre la voie au reste ; raison pour laquelle l’industrie du béton talonne l’industrie du vent. C’est aussi une fuite considérable de capitaux du public vers le privé, par toutes sortes de manières.


L’Inde et la Chine ont construit des milliers d’éoliennes ; aujourd’hui, comme les USA, l’Allemagne ou l’Espagne, elles abandonnent ou diminuent leurs subventions. Résultat : champs d’éoliennes abandonnées, construction de nouvelles centrales nucléaires, exploitation de gaz de schiste, etc.. Même en Allemagne, on négocie avec la Russie l’approvisionnement des entreprises par du nucléaire russe!




Le tournant énergétique : un changement de paradigme, pas une fuite en avant.


Au vu de toutes ces considérations, la sortie du nucléaire en Suisse, pour être crédible, doit passer par des exigences intransigeantes. Il faut obtenir les changements avant d’autoriser la continuité. Pour cela, il faut lutter contre la désinformation, supprimer les aides de l’État aux sociétés privées, favoriser le développement de projets locaux et citoyens pour la production d’énergies renouvelables, donner d’autres objectifs à la population que la possession des biens. La société à 2000 watts, telle qu’elle est présentée aux citoyens, est extrêmement sélective et ne concerne qu’une certaine frange de privilégiés. Elle ne tient déjà plus compte d’un bon nombre de citoyens écartés du gâteau : on voit naître derrière des théories d’une déconcertante naïveté des villes modèles avec des éco-quartiers et des loyers impayables, des campagnes «poubelles» pour les exclus ou version Heidi pour les touristes !


À force de tirer son épingle du jeu, la Suisse pense aussi pouvoir construire une société écologiste à l’abri des tempêtes nucléaires (ou autres) de ses voisins. Pourtant le feuilleton SIG-Ennova nous montre qu’elle doit compter avec les mêmes acteurs, et que sa transition énergétique, déjà récupérée à d’autres fins, est un mensonge.

En ce sens, le peu d’exigences des Verts - leur programme énergétique est superficiel et manque d’ambition écologique, leur objectif voitures électriques pour tous est un conte de fée dans le contexte actuel ! - est, aux yeux de beaucoup, impardonnable : ils ne s’adressent qu’à une certaine couche de la population. On ne peut s’empêcher de voir une forme de malthusianisme dans les scénarios qu’ils imaginent. La gauche ne fait pas mieux et déçoit.

Bruno Pradès, président de l’association Transparence (lutte contre les abus de pouvoir), résume ici le point de vue de l’opposition aux solutions industrielles de la transition énergétique : « L’industrialisation du monde est la cause principale des émissions de gaz à effet de serre et du réchauffement climatique. Au cours du XXe siècle, la production industrielle a été multipliée par 40. Continuer de promouvoir des systèmes de production énormes alors qu’ils en sont la cause première ne peut être une solution à leur diminution. Tous ces grands projets inutiles, dont le seul but est de produire de plus en plus d’énergie afin de satisfaire une consommation croissante voulue et poussée par les producteurs de cette énergie, sont dans la continuité de cette aberration écologique. Nous devons changer de paradigme si nous voulons sortir de la crise climatique et stopper le réchauffement global. ».


On peut craindre l’explosion d’une centrale nucléaire. Mais à quel prix ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour éviter le pire ? C’est quoi le pire ? L’exploitation de nos peurs pour nous faire accepter des règles qui rongent l’humanité ? 


La nature, c’est notre force. Ceux qui vivent au voisinage d’éoliennes industrielles saisissent le danger qu’elles représentent ; certes, pas aussi concret que celui d’une centrale nucléaire. C’est un autre danger, plus subtil, qui relève de l’être et de sa relation à la nature, cette relation qui nous aide à tenir le coup et nous donne la force de résister au-delà du raisonnable parce qu’elle est le lien avec la vie. Si nous perdons ce lien, de quel avenir à préserver pouvons parler pour nos enfants ? Cela n’a aucun sens. Ou alors nous acceptons le monde de Globalia...


Soyons ambitieux pour notre avenir. Sans nucléaire, un autre monde est possible, pas besoin d’accepter leur solution.

Pascale Hoffmeyer
Membre du collectif de citoyens pour la diffusion de l’information sur l’industrie éolienne

Sites : http://ventdefolie.wordpress.com/ www.voisinedeoliennesindustr... www.juracretes.ch www.procretes.chwww.epaw.org



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