Climat: Urgence et précipitation, du choix des cibles au choix des armes

Publié le 10 novembre 2014 dans Non classé

R. Pachauri, président du GIEC a été reçu par le gouvernement. Pour le ministère de l’Écologie, « il est encore temps d’agir ».

Par Jean-Pierre Riou







À un an de la conférence de Paris, R. Pachauri, président du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a été reçu par nos ministres, ce 5 novembre et a présenté la synthèse à l’intention des décideurs, qui vient d’être adoptée à Copenhague. Cette synthèse rappelle, sans ambiguïté, l’urgence d’un effort plus grand encore : « Sans effort d’atténuation supplémentaire au-delà de ceux actuellement déployés, et même avec de l’adaptation, le réchauffement d’ici la fin du XXIe siècle conduira à des niveaux élevés à très élevés de risques d’impacts sévères, étendus et irréversibles au niveau mondial (niveau de confiance : élevé). » Avant le point de non retour et le cataclysme annoncé, l’électricité nucléaire rejoint, dans cette synthèse pour décideurs, la panoplie des solutions urgentes à développer…



Pour le ministère de l’Écologie, « il est encore temps d’agir ». Le propos n’est donc pas de s’interroger sur la validité des prévisions du GIEC, même s’il convient de savoir que son travail est contesté, mais simplement de se pencher sur l’efficacité des moyens engagés par les États qui ont fait de ce combat leur priorité.


Le charbon, première source d’électricité mondiale et en passe de devenir la première source d’énergie primaire, semble le principal incriminé. D’autant que ses émissions de méthane, d’oxyde d’azote ou de souffre, augmentent sa nocivité, le rendant responsable de dizaines de milliers de décès prématurés. C’est l’ennemi public numéro 1.

En regard de ce fléau, la production française d’électricité fait figure de modèle, puisqu’elle est exempte d’émission de CO2 à 90% avec 29,1millions de tonnes de CO2 pour 550,9TWH (milliards de KWh) produits en 2013, soit 50kg de moyenne par MWh (contre 1 tonne CO2/MWh pour charbon) (Bilan RTE 2013 p15).



L’apport des énergies renouvelables, étonnamment choisies pour lutter contre une absence de problème, impose au réseau une intermittence de production, qui évolue sur une échelle de 1 à 100 entre les records d’efficacité et d’inefficacité, malgré le prétendu foisonnement des vents, ou régimes différents d’une région à l’autre.

Des moyens thermiques n’en deviennent que plus nécessaires pour ajuster la production aux besoins de la consommation, les à-coups de fonctionnement et régimes partiels qui leur sont imposés augmentant leurs facteurs de pollution.

La responsabilité de l’intermittence dans le recours au charbon


Ce qui semble avoir été moins prévu, c’est la perte de compétitivité des centrales les moins polluantes et les plus récentes (cycle combiné à gaz CCG), qui doivent se plier aux aléas de la production de certaines énergies renouvelables intermittentes et en viennent à fermer leurs portes, entraînant la nécessité de subventions afin d’éviter le black out dès que le vent tombe.


C’est ce que souligne le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) :« L’introduction d’un volume important de capacités d’ENR intermittentes sur le réseau, à un rythme soutenu, a augmenté les problèmes d’intermittence, a affaibli la sécurité d’approvisionnement et a menacé le modèle économique de certaines centrales électriques (le facteur de charge des centrales à gaz est réduit, les prix plus bas en période de pointe affectent le modèle économique de pompage-turbinage). »



Parvenant au paradoxe de nuire aux moyens de production les plus propres (pompage turbinage et CCG) indispensables pour se plier aux aléas de la consommation et ouvrant la voie au charbon, plus compétitif.

La dérive du système


Ces subventions rendues nécessaires pour disposer d’une capacité de production suffisante quand le vent tombe, par exemple, profite même au charbon. Bruxelles vient d’évaluer à 10,1 milliards d’euros les aides d’État pour le charbon en 2012. À titre de comparaison, le charbon représentait 3,6% de la production française d’électricité en 2013 (RTE 2013), contre plus de 45% en Allemagne.

Selon Eurostat 2014, 6 pays en Europe continuent à augmenter leurs émissions de CO2. Le charbon est au banc des accusés. La France fait partie des coupables. Sa production électrique utilisant le charbon, toute marginale qu’elle soit, a progressé de 14% par rapport à 2012, malgré la progression parallèle des énergies renouvelables. L’analyse des éléments ci-dessus inciterait même à oser « à cause des renouvelables », en raison de leur intermittence, de leur tarif d’achat préférentiel et de l’obligation de leur achat, même quand on n’en a aucun besoin. De toute évidence, la baisse du cours du charbon n’y est pas étrangère, mais cette seule explication ne saurait suffire.

Parmi les principaux accusés, se trouve, bien sûr, notre « modèle » de transition d’outre Rhin. Après quatre années consécutives d’augmentation du recours au charbon/lignite (253,5 TWh en 2009 et286TWh en 2013), l’Allemagne ne semble pas devoir changer de ligne, puisque de 41,8 GW de puissance charbon/lignite installée en 2013, elle annonce 47,5 GW de prévision pour 2016, avec une production mobilisable, à cette date, de 388,2 TWh.


Des centaines de villages allemands représenteront une partie des dégâts collatéraux en risquant d’être tout bonnement rayés de la carte pour permettre l’essor des mines de charbon/lignite à ciel ouvert.

La puissance installée du parc de production d’électricité solaire/éolien allemand est pourtant supérieure à celle de notre parc nucléaire, soit 71,6 GW, contre 63,1 GW pour le nucléaire français. Son intermittence est responsable d’un si piètre bilan. Son parc photovoltaïque ne produisant, bien sûr, plus rien dès que la nuit tombe, son parc éolien étant capable d’aussi mauvaises performances (0,3% de facteur de charge).


Ce qui ne marche même pas en Allemagne a d’autant moins sa place en France que les 29,1 millions de tonne de CO2 (même pas le dixième de celles du parc allemand) émis par le parc de production d’électricité français représentent moins du dixième des émissions totales françaises (346 millions de tonnes) et semblent pratiquement incompressibles.

La France exporte en permanence plus que ne produisent toutes ses éoliennes. La CRE, dans son avis défavorable au tarif d’achat obligatoire éolien de 2008 considère que « chaque unité d’électricité renouvelable supplémentaire produite se substitue approximativement pour un tiers à de l’électricité produite à partir d’énergie nucléaire, pour un autre tiers à de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles et, pour le dernier tiers, augmente les exportations ». Les subventions à l’éolien finançant donc la consommation étrangère, puisque cette électricité est exportée moins cher que le tarif d’achat obligatoire éolien. (tarif d’achat 91,2€/MWh en 2014 (annexe 1 p7), le prix moyen export sur ces 12 derniers mois étant de 34.4€/MWh source douanes françaises.


Et la CRE continue : « L’ADEME indique que, en 2008, l’électricité éolienne se substitue pour 75% à de l’électricité produite à partir d’énergies fossiles. Sur cette base, les émissions évitées en France par l’éolien sont estimées à 300 g de CO2 par kilowattheure. Ces chiffres sont établis pour 2008 et ne peuvent être directement comparés aux résultats issus de l’analyse de la CRE, établis à l’horizon 2015. » Ce qui n’empêche pas ces chiffres de continuer à étayer de vaines promesses.

Le développement éolien s’attaque à un problème environnemental très marginal en France (les émissions de CO2 du parc de production d’électricité qui émet moins du 1/10 des émissions totales), et s’avère incapable du moindre résultat, malgré les milliards d’euros qu’il détourne de leur objectif initial.

C’était prévu par des études comme celle de Civitas, qui affirmait qu’une centrale à gaz émet moins de CO2 seule que lorsqu’elle est couplée à des éoliennes. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective vient d’en faire le constat en ces termes : « Trois principales technologies renouvelables ont gagné en diffusion : l’éolien, le photovoltaïque et la biomasse. Reconnaissons qu’aucune de ces technologies ne peut avoir de réel impact sur le changement climatique. » (p.75)


Le monde semble s’être mobilisé pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Des sommes sans précédent sont affectées à ce défi, tous les ménages sont mis à contribution. Le nouveau cadre européen « d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 » rappelle l’urgence et la priorité de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il supprime, pour les États, le caractère contraignant de leurs objectifs en matière d’énergies renouvelables.

Les éoliennes demeurent le symbole de notre transition écologique. L’absence de résultat ne doit pas surprendre.



nmnj

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