À Paris, l’agriculture s’apprend sur le toit des écoles

En milieu urbain, des associations se battent pour sensibiliser les habitants à l'agriculture en développant des espaces jardins et dans le même temps, l'État, les régions, les départements, la majorité des élus (es) locaux, les propriétaires terriens et autres promoteurs associés font de nos espaces verts et de nos terres agricoles, des zones industrielles. Ce serait à mourir de rire si ce n'était pas si désespérant et si tragique.
Bonne lecture et bonne chance

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OLIVIER BAILLY (http://www.reporterre.net/ )
mercredi 3 décembre 2014








Depuis sept ans, l’association Veni Verdi sensibilise habitants et écoliers à l’agriculture urbaine, en investissant des parcelles dans des écoles et collèges du 20e arrondissement de Paris. Considérée au début comme une folie, l’idée fait aujourd’hui son chemin et sème ses graines un peu partout.


« En 2008, mon objectif était de faire à manger grâce à des exploitations agricoles sur les toits. On me disait : ‘T’es une folle gentille, toi.’ » Ce temps-là est fini. Nadine Lahoud ne passe plus pour une « folle gentille ». En sept ans son association, Veni Verdi, a transformé des surfaces inutilisées en jardins. D’un abord brut de décoffrage, cette femme qui ne s’embarrasse pas de circonlocutions pour dire ce qu’elle pense, possède une énergie et une détermination hors du commun.

« J’ai commencé toute seule. En 2006, je songeais à me réorienter professionnellement. Je suis une fille de la campagne et j’ai toujours aimé ce qui touche à la nature. Au Liban, ma famille possédait un verger et un potager. Après, j’ai exercé plusieurs métiers et pendant près de vingt ans, j’ai travaillé dans un groupe de grande distribution spécialisé dans le bricolage. Un jour j’en ai eu marre. A un moment, tu vois ce que tu vends ! et je ne supportais plus l’autorité. J’avais appris plein de choses, il était temps de passer à l’acte. J’avais trois idées, trois axes qui tournaient autour de l’environnement, de l’économie, du social. » Ainsi est né Veni Verdi.



La salade c’est meilleur que les chips

L’association cultive toutes les parcelles du 20e arrondissement qu’on lui propose. « Au départ deux écoles du quartier, Lesseps et Vitruve, m’ont fait confiance et m’ont permis de démarrer, se souvient Nadine. Depuis on mène des projets inattendus et chaque année ça monte en puissance . »

Début 2014, Veni verdi, aidé d’une poignée de bénévoles, achemine six cent litres de terre destinés à la culture maraîchère sur le toit du collège Henri Matisse. Sans la volonté de la proviseure de Matisse, Patricia Jourdy, ce jardin perché n’aurait pu être réalisé. Très impliquée dans ce programme, elle souhaite que son établissement devienne un modèle sur le plan du développement durable. Le lieu compte deux toit-terrasses. Un petit et un grand. Pour des raisons de sécurité ce dernier est inaccessible aux élèves qui n’en sont pas moins intéressés par ce qui pousse au-dessus de leur tête.



Nadine Lahoud se souvient de sa première récolte, au printemps dernier :« Nous avions eu l’idée de descendre au moment de l’interclasse avec nos poches de salades. En arrivant en bas je n’en avais plus une. Les gosses avaient tout mangé. Ils trouvaient que c’était meilleur que les chips. »

Petites productions

À la même époque l’association commence à installer des sacs de terre avec des plantations au pied du collège. Il y a eu du saccage. Mais aujourd’hui les gamins du quartier respectent les cultures. Mieux, ils en redemandent : « On vient de récolter des feuilles de moutarde rouge. Cela ressemble à de la salade mais ça a un goût de raifort. C’est puissant. Je ne peux en manger qu’un dixième de feuille. Je l’ai fait goûter aux jeunes, ils ont adoré ! »

Quand la production est suffisante, Nadine la vend le mercredi au café associatif Natema situé rue des Orteaux, en face du collège. « La dernière fois j’ai expliqué aux enfants que je n’avais rien. Ils étaient très déçus. » Le jardin sur le toit de Matisse est expérimental. Dans cette opération Veni verdi finance sur ses propres deniers la main-d’œuvre, la terre, les graines. Ce qui revient à cinquante euros le mètre carré. Le collège fournit le terrain et l’eau.



« Tout le monde cherche dans la ville de grandes surfaces pour de grandes productivités. Moi j’en cherche des petites, précise Nadine. Je me dis qu’on peut en faire aussi quelque chose. Avec Matisse, nous essayons de prouver que c’est facile à faire. On peut partir sur quelque chose de simple et de léger sans que cela nécessite de grosses études de structures et avec un coût relativement faible. »

Reprendre la main sur les bases de notre vie même

Le travail mené par Nadine, Julien l’ingénieur et Paco le jardinier, triumvirat veniverdien, commence à être reconnu. Depuis cet automne les abords du collège Pierre Mendès-France sont consacrés à la culture des tomates, courgettes, fèves, ail… « Nous avons construit six grands bacs de vingt-cinq mètres pour la culture hors-sol. »

Un autre jardin est en projet au sein de l’école primaire de la rue Le Vau ainsi qu’à la maternelle du Clos. Florence de Massol, première adjointe à la maire duXXe arrondissement, Frédérique Calandra, sait que l’association est toujours à recherche de parcelles cultivables. C’est elle qui l’a mise en relation avec le collège Pierre Mendès-France.



Situé aux confins de l’arrondissement, près du périphérique, « c’est l’un des établissements parisiens qui possède le plus d’espaces verts », explique Nadine. A Mendès-France, la greffe n’a pas tardé à prendre : « Nous commençons à établir un lien fort avec les équipes pédagogiques. Elles viennent nous voir pour discuter de ce qu’on peut développer ensemble. »

Les vacances de la Toussaint ont été déterminantes : « Le principal nous avait laissé les clés. N’importe qui pouvait venir nous donner la main. Des familles entière sont venues. L’une d’entre elles venait presque tous les jours. La mère m’a même confessé que sans nous, c’était deux semaines devant la télé avec ses enfants tandis que là, ça a été quinze jours de Club Med ! »

Pour Nadine Lahoud l’agriculture urbaine « répond à beaucoup d’attentes. On reprend la main sur les bases de notre vie, de notre survie, c’est-à-dire la production de l’alimentation. L’idéal c’est que ces jardins soient un lieu de rencontre, de convivialité, de prise en charge et que chacun y ait sa place. Tu verrais les enfants comment ils bossent. Ils ont de l’énergie à dépenser… Récemment, à Mendès-France, on a « recruté » un gamin qui nous a dit« d’accord, je vous aide, mais je ne reste que cinq minutes ». Deux heures après il était encore là, en train de pelleter, il avait de la terre jusqu’aux oreilles. En l’espace de trois heures il a déplacé de la terre, a planté de l’ail, des salades, des fèves... En même temps, on lui expliquait ce qu’on faisait et pourquoi on le faisait. »



L’avenir s’annonce vert pour Nadine Lahoud et son association. « Nous avons fait des demandes de subventions pour l’année prochaine, nous sommes plutôt optimistes. Nous avons aussi des ressources directes. Nous travaillons avec des bailleurs sur des accompagnements de jardins partagés dans Paris. On se donne les moyens. Nous ne sommes plus une petite association qui fait mumuse. » Plusieurs embauches sont prévues en 2015. Dont celle de Nadine, qui est toujours bénévole.


NB : Veni verdi recherche un local pas cher, voire gratuit, dans l’Est parisien, pour y installer ses bureaux.


Source : Olivier Bailly pour Reporterre

Photos :
. Chapô : Crédits Atelier Ile-de-France
. Main, sacs terre, rempotage : Crédits Julien Thomas
. Cagette, parcelle : Crédits Louise Harlet





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