Climat: Ce que révèle un exercice du bac S 2015

Publié le 4 juillet 2015 dans Environnement
Par Anton Suwalki


Formation à la démarche scientifique ou propagande gouvernementale ?









Cette année, l’épreuve de Physique-Chimie du bac S était paraît-il beaucoup trop dure. Sur un échantillon de copies déjà corrigées, la moyenne est inférieure à 8/20.

Alors, les correcteurs ont reçu un barème modifié. L’Union des Professeurs de Physique et de Chimie a exprimé sa colère, sans doute en partie justifiée, devant cette initiative du ministère. « Cette année, les trois exercices du sujet d’enseignement spécifique, par leur accumulation de questions ouvertes et le nombre d’étapes non explicites requises, sollicitaient des capacités qui ne sont pas maîtrisées par l’élève moyen que nous avons dans nos classes».


Si on comprend bien, le principal problème est le gros décalage entre la prétention des épreuves et ce qu’on peut exiger d’un élève lambda de Terminale S en 2015. Mais si l’élève lambda ne peut trouver la solution d’un problème sans être guidé pas à pas, se contentant d’appliquer quelques formules, c’est peut-être lui qui est inadapté à l’enseignement scientifique, plutôt que le contraire.


On modifie donc le barème pour gonfler les notes de façon artificielle, comme d’habitude et comme dans toutes les matières, précise-t-on au ministère. Et on se dit tout de même que les professeurs font preuve d’une certaine candeur, voire de beaucoup de contradiction, lorsqu’ils écrivent: « Comment ne pas se sentir dévalorisé dans son travail de correction lorsqu’on doit attribuer 2 points à l’emploi d’une simple formule, et 0,5 voire 0,25 point à une question nécessitant beaucoup de temps, de la réflexion et une prise de risque ! ». Il faudrait savoir si on veut des sujets à portée de l’élève « moyen » (doux euphémisme), ou bien si on veut valoriser l’effort, la réflexion et, même la prise de risque. Sachant le niveau, quelle que soit la matière, et pire encore la motivation de ces élèves « moyens » qui se traînent jusqu’en Terminale, le barème dénoncé par les enseignants est certes hypocrite, mais, finalement, assez logique.


Cela dit, l’exercice 3 pour les candidats passant le bac spécialité Physique-Chimie illustre bien le malaise.


Il est intitulé « un aspect du réchauffement climatique » et propose aux candidats de calculer la hausse possible du niveau des océans, d’ici à 2100, hausse liée à leur dilatation thermique et à la fonte des calottes glaciaires.


Sa résolution algébrique ne nécessite que des compétences à la portée d’un collégien pas trop mauvais: Calculer le volume d’un parallélépipède, manipuler des puissances de 10, savoir faire une règle de 3, faire une interpolation linéaire. La seule petite astuce, pas bien méchante, c’est de ne pas oublier de tenir compte de la conservation de la masse lorsqu’on convertit le volume de glace en volume d’eau liquide.


Cet exercice, on doit pouvoir le faire en 5 minutes. Comptons 10-15 minutes pour rédiger correctement au propre: On se dit que ce sont 3 ou 4 points presque donnés, surtout pour une épreuve de 3h 30 !


On attend donc de connaître le pourcentage d’échecs dans la résolution de ce problème, qui pourrait constituer un bon baromètre du désastre scolaire.


Mais on attend aussi avec impatience les inévitables perles du bac à propos de la deuxième question de l’exercice : Lister les causes possibles de l’écart par rapport à la valeur annoncée par le GIEC en 2013. Là on peut imaginer le désarroi, bien au-delà de l’élève « moyen ».


L’élève doit en effet trouver une élévation de 2,55 m du niveau des océans, dont 2,10 m causés par la dilatation thermique, et 0,45 m causés par la fonte des calottes glacières. Or, il lui était précisé dans l’énoncé : « L’évolution de la température atmosphérique et la fonte des calottes polaires pourraient entraîner une hausse du niveau des océans atteignant près d’un mètre.


D’après un rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts du Climat (GIEC), publié en septembre 2013 ».


Que vont répondre les élèves ? Que le GIEC s’est planté dans ses calculs ? On voit mal nos petits génies s’interroger sur la validité des hypothèses retenues dans l’exercice:

« D’ici 2100, dans le pire des scénarios [du GIEC], la température moyenne de l’atmosphère terrestre pourrait augmenter de 5,5°C (…). En faisant l’hypothèse que l’océan s’échauffe uniformément de 5,5°C, calculer alors la hausse du niveau des océans en distinguant la hausse due à la dilatation thermique des océans et celle due à la fonte partielle des calottes polaires ».


C’est bien sûr l’hypothèse que tout l’océan se réchaufferait de 5,5° C, soit autant que l’atmosphère terrestre, qui est délirante. Selon le GIEC lui-même, pour une atmosphère terrestre plus chaude d’environ 0,6°C depuis 1960, l’océan dans son ensemble s’est réchauffé de 0,04°C. Il ne faut évidemment pas s’attendre à ce que beaucoup de candidats aient en tête ces ordres de grandeurs. Mais les concepteurs de l’épreuve les connaissent-ils eux-mêmes ?


Entre un problème à résoudre d’une facilité (normalement) dérisoire pour un élève de Terminale S, et une question « ouverte » sans doute hors de portée pour 99% des candidats, on doit s’interroger sur l’objectif d’un tel exercice. Tester l’aptitude à la résolution de problèmes et à la réflexion critique ? Ou plutôt, s’attirer les bonnes grâces d’un ministre qui considère que « se mobiliser (SIC !) pour l’accueil, en décembre 2015, de la conférence des Nations unies sur le changement climatique « Paris Climat 2015-COP 21 » », fait partie des missions essentielles de l’Éducation nationale ? Le fait que le sujet soit illustré par cette « vue d’artiste » permet peut-être de répondre à la question.


Formation à la démarche scientifique et à l’esprit critique, ou propagande gouvernementale: Les deux sont incompatibles.
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