Transition énergétique: La voix de la raison franco allemande

Jean-Pierre Riou Les Experts 13-07-2015

Les investissements annuels dans les énergies renouvelables ont grimpé de 34 milliards d'euros en 2004 à 316 milliards dix ans plus tard.

«Achète-moi, je ne vaux rien, puisque la vie n'a pas de prix!(Léo Ferré)

Crédit Photo : economiematin.fr


Le 24 juin 2015, les quatre Académies Nationales : « Nationale Akademie der Wissenschaften Leopoldina Acatech - Deutsche Akademie der Technikwissenschaften, l’Académie des sciences et l’Académie des technologies » ont rédigé une déclaration conjointe qui recadre les problèmes de la transition énergétique et y dénonce le rôle des lobbies.


Cette déclaration rappelle, en introduction, les écueils que sont les risques sur la sécurité d’approvisionnement et les coûts sociaux et économiques d’une transition trop rapide qui n’a pas pris toute la mesure de ses conséquences négatives. Elle souligne l’importance du maintien de la compétitivité internationale, (actuellement mise à mal par la dérive des coûts de l’énergie) et la nécessité d’approches innovantes, en intensifiant les efforts de recherche et développement pour permettre les indispensables ruptures technologiques.


Les académiciens soulignent la nécessité d’un partage de compétence et de retour d’expérience entre la France et l’Allemagne, les 2 pays ayant à apprendre l’un de l’autre dans cette transition dont la priorité majeure est la décarbonation de leur économie. Ils rappellent, au passage, que le système électrique allemand émet encore 344Mt CO2 par an, contre 46Mt CO2 pour le parc de production français. Les risques induits par l’intermittence sont soulignés ainsi que l’importance de sensibiliser les populations et même nos gouvernants sur les enjeux véritables d’une transition pérenne.


Ces scientifiques, unanimes, ouvrent nos yeux sur un monde bien différent du tout éolien/photovoltaïque vers lequel nous nous précipitons. Le mot « éolienne » n’étant d’ailleurs pas cité une seule fois dans cette déclaration sur les perspectives d’avenir. Les atouts de notre parc électrique actuel, principal exportateur d’une électricité décarbonée, stable et qui limite le recours aux importations, est mis en exergue.


Le problème du démantèlement des centrales nucléaires et celui de la gestion des déchets sont soulevés. Les académiciens mentionnent les réacteurs de 4° génération qui sont susceptibles de gérer ce dernier problème et mettent en avant l’avenir du projet ITER qui « promet d’être une option sûre, durable et de long terme pour la production d'électricité en régime de base »


Les 4 académies franco allemandes mettent en garde contre le développement des énergies intermittentes en ces termes :
« L'expérience récente montre cependant que l’insertion croissante d'électricité renouvelable intermittente dans le réseau électrique expose à des défis techniques et économiques. Pour compenser l'absence d'électricité lorsqu'il n'y a pas de vent ou de soleil, des options de flexibilité doivent être introduites dans le système énergétique. Cela nécessite notamment la conception et le déploiement de solutions pour le stockage de l'énergie à grande échelle à long et à court terme, ainsi que de nouveaux concepts de gestion de la demande et de stabilisation du réseau. Il est également important de s'assurer que les énergies renouvelables demeurent économiquement viables pour les consommateurs et ne déstabilisent pas le système économique. Les deux pays pourraient bénéficier de leur expérience mutuelle dans le domaine des EnR et concentrer leurs compétences sur les solutions nouvelles et innovantes». 


Comment « bénéficier de leur expérience mutuelle », pourrait-t-il ne pas évoquer le dérapage du prix de l’électricité en Allemagne ? Ou encore la nécessité de son recours aux pays voisins pour équilibrer son réseau en raison de l’irrégularité de sa production éolienne, ainsi que le décrit le gestionnaire du réseau européen (ENTSO E) : « Ces situations ont provoqué un haut niveau de stress au réseau qui a été essentiellement résolu par des mesures extensives de redistribution (sur le plan national et international) et de la limitation de production des éoliennes ».(Outlook report 27 mai 2015 p118)


Les 4 Académies concluent :


L'énergie est devenue un sujet de discussion dans les médias et dans le grand public. Ces tendances sociétales correspondent à une augmentation du niveau de perception du problème, mais la compréhension des éléments fondamentaux et des contraintes reste souvent limitée ou biaisée par des opinions guidées par des idéologies ou des groupes d’intérêts. Et proposent la création d’un « Comité consultatif sur la recherche piloté par les académies ».



Alors que ces risques de dérives avaient été dénoncés par France Stratégie et la Commission européenne elle-même, dont les nouvelles lignes directrices demandent instamment aux énergies renouvelables d’entrer sur le marché en respectant les règles de la concurrence, souhaitons que la déclaration commune de ces 4 Académies franco allemandes soit entendue en haut lieu avec l’attention qu’elle requiert.


En effet, le système de production d’électricité français, principal exportateur mondial est envié par le monde entier pour l’atout qu’il donne au pays en termes de compétitivité de sécurité d’approvisionnement et de la faiblesse de ses émissions de CO2.


Sa surcapacité actuelle en production de base permet, d’autre part, d’attendre sereinement les évolutions technologiques évoquées par les académiciens, tout en sécurisant le réseau européen dans leurs efforts de réduction d’émissions.


Au lieu de quoi, une ubuesque usine à gaz est destinée, à coup de centaines de milliards d’euros, à tenter de résoudre la quadrature du cercle et de rendre durable ce qui est intermittent, en multipliant les coûts par les tentatives de stockage, les milliers de kilomètres de lignes haute tension supplémentaires, ainsi que par de coûteux mécanismes de capacité et d’effacement de consommation.

Après un quart de siècle de cette course chimérique, l’Allemagne doit convenir du triple échec d’une transition qu’on nous présente encore en modèle : l’échec de la maitrise des couts, de la sécurité d’approvisionnement et même celui de l’impact environnemental. Plutôt que d’admettre qu’elle s’est trompée, l’Europe accélère sa couse à l’intermittence de production, sans même qu’on sache encore comment on s’en accommodera.


Comment ne pas comprendre le signal d’alerte donné par ces 4 Académies scientifiques concernant le dépeçage programmé de notre plus beau fleuron.En plein débats sur la transition énergétique, cette déclaration commune des 4 Académies scientifiques franco allemandes devrait interpeller les politiques.Hélas, cette « transition » semble relever du dogme et non de la raison, des imprécations et non des bilans chiffrés.


Il y a deux ans déjà, Jean de Kervasdoue faisait ce cruel constat : « En effet, si l’on en juge par plusieurs décisions récentes, il semble évident que les élites et élus du PS ne croient plus au progrès et, plus grave encore, au raisonnement rationnel. Ils confondent valeurs et faits empiriques, mélangent légitimité politique et légitimité scientifique et, en juristes qu’ils sont le plus souvent, cessent de regarder le Monde, ils le rêvent...»


Commentaire: Le professeur Riou n'est pas en vacances. Nous ferions bien de suivre son exemple,  sinon à notre retour de «sieste», les mouches auront changé d’ânes....



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