Le chemin de fer français est en danger... et donc, nous aussi!

10 juillet 2015 / Jean Sivardière






Alors que la loi Macron favorise le développement du transport par autocar, le chemin de fer périclite: Dégradation de l’offre, augmentation des tarifs, baisse du trafic de fret. Le signal d’alarme est tiré et une pétition lancée pour alerter les pouvoirs publics.


Le chemin de fer français a connu une période favorable dans les années 1970, mais la situation s’est peu à peu dégradée depuis lors et des menaces nouvelles s’accumulent dangereusement depuis deux ans.


Une offre dégradée

Sur le terrain, tous les voyageurs, quotidiens ou occasionnels, constatent que, même si tout n’est pas noir, la qualité des services ferroviaires n’est plus ce qu’elle a été:

 Il devient difficile de se procurer des informations et d’acheter des billets, car les boutiques SNCF ferment même dans les grandes villes, et les guichets de gares sont souvent fermés ;

Les tarifs, souvent illisibles, sont devenus trop élevés, en particulier pour les déplacements de dernière minute par TGV et les déplacements familiaux ;

 De nombreux TER sont supprimés, surchargés, en retard de manière répétitive ; les trains sont ralentis sur 4 000 km de lignes afin de maintenir la sécurité malgré la dégradation des infrastructures ;

Les fréquences sont réduites, les correspondances deviennent plus difficiles ; des liaisons Intercités de jour et de nuit sont supprimées, des lignes interrégionales sont fermées (Lyon-Bordeaux), d’autres sont sérieusement menacées (Clermont-Béziers).


Les conséquences pour la collectivité

Les conséquences de l’appauvrissement de l’offre sont lourdes pour l’aménagement du territoire et l’environnement.

Le train n’étant plus fiable, des usagers réguliers commencent à l’abandonner pour privilégier la voiture, l’autocar ou l’avion à bas coût. La contraction de l’offre pénalise les villes moyennes.

Quant au trafic de fret, il a régressé de 30 % depuis dix ans au profit de la route. Les industriels déplorent en particulier la hausse des tarifs exigés par la SNCF et la disparition des « lignes capillaires fret » qui alimentent le réseau principal.


Comment en est-on arrivé là ?

Les responsabilités de la SNCF sont évidentes. Sa direction, depuis des années, se débarrasse de tous les services déficitaires – messagerie (« wagon isolé »), services voyageurs sur les petites lignes, trains de nuit, auto-train… – sans se préoccuper des difficultés qui en résultent pour les voyageurs et les entreprises, et sans même chercher à corriger sa politique commerciale, manifestement déficiente.

La SNCF est également responsable d’une partie des dysfonctionnements quotidiens qui affectent la circulation des trains: Non-présentation de personnel, entretien insuffisant de l’infrastructure et du matériel roulant, manque de personnel ou de matériel de réserve en cas d’incident technique, dialogue social insuffisant engendrant de multiples grèves qui gênent les voyageurs et font fuir les chargeurs.



Les responsabilités de l’État sont lourdes elles aussi.


La gouvernance du système ferroviaire est défaillante. La loi du 4 août 2014 a eu le mérite de rassembler, au sein de SNCF Réseau, tous les organismes intervenant sur les infrastructures, mais la dette ferroviaire s’alourdit de 2 milliards d’euros par an.

Le vieillissement des infrastructures classiques a été dénoncé de longue date par la FNAUT. Confirmé en 2005 par un audit de l’École Polytechnique de Lausanne, il n’est que ralenti par les importants travaux de régénération en cours.

L’État, depuis des décennies, apporte un soutien sans faille aux modes de transport concurrents du rail - la voiture, le camion et l’avion – sous forme de sous-fiscalisation ou même d’absence de fiscalisation des carburants et, avec l’aide des élus territoriaux, d’investissements routiers et aéroportuaires pléthoriques.


De nouveaux dangers

La situation du rail s’est récemment aggravée: Augmentation du taux de TVA sur le transport public, abandon de l’écotaxe poids lourds, refus de la fiscalité écologique malgré la baisse du prix du pétrole, libéralisation sans précaution du transport par autocar à longue distance (loi Macron), abandon de l’autoroute ferroviaire atlantique, réduction des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, avantages concédés à la voiture dite propre, absence du transport public dans la loi sur la transition énergétique…


Tous les trafics voyageurs sont en difficulté

Les voyageurs ont besoin de dessertes TER, Intercités et TGV. Or:

Les TER marquent le pas en raison des limites financières des régions et de la dérive des coûts d’exploitation de la SNCF. Les transferts sur route se multiplient.

Comme le réclamait la FNAUT, l’État est devenu autorité organisatrice des dessertes Intercités fin 2010 mais il a laissé la SNCF agir à sa guise, et l’offre a diminué de 10 % en quatre ans tandis que le déficit d’exploitation explosait.

Enfin les TGV n’ont plus la rentabilité qu’ils avaient en raison de l’augmentation très forte du montant des péages exigés par SNCF Réseau. Cette augmentation s’est accompagnée d’une réduction des subventions de l’État à l’infrastructure.


Le rôle souhaitable de l’État


Si rien ne change, nous allons assister à une régression dramatique du trafic ferroviaire de voyageurs, comparable à celle du trafic de fret. Mais une relance des activités ferroviaires n’a rien d’utopique: En Allemagne et en Grande-Bretagne, les trafics voyageurs et fret se développent. L’État doit assumer ses responsabilités:

 De stratège, en élaborant un schéma des services ferroviaires, en fixant une évolution pluriannuelle du prix des péages, en corrigeant les conditions de concurrence entre les modes ;

 D’actionnaire, en traitant le problème de la dette ferroviaire ;

 Enfin d’autorité organisatrice des dessertes Intercités, comme le rapport Duron le recommande avec vigueur.

Dans cette optique, la FNAUT vient de lancer une pétition nationale adressée au Chef de l’État et au Premier ministre et leur demandant de réviser profondément leur politique des transports.

La pétition est disponible sur ce site.

Elle rappelle les nombreux dangers qui pèsent aujourd’hui sur l’offre voyageurs et invite les pouvoirs publics à se mobiliser pour la défense du service public.

Lire aussi: « Pour financer le transport ferroviaire, il faut une véritable fiscalité écologique »


Source: Courriel à Reporterre de Jean Sivardière

Jean Sivardière est vice-président de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’usagers des Transports).

Photos :
; Chapô : Flickr (jean-louis Zimmermann/CC)
. TGV : flickr (Nelso Silva/CC)



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