Le stellarator Wendelstein 7-X, ou le retour de la fusion nucléaire et ses promesses d'une énergie propre et infinie

Le HuffPost
Par Grégory Rozières
Publication 06/02/2016 





ÉNERGIE - Angela Merkel a inauguré le stellarator Wendelstein 7-X, mercredi 3 février, ce qui pourrait être une révolution dans le domaine de l'énergie. Derrière ce nom barbare se cache un mini-soleil, ou en tout cas sa promesse: Le Graal d'une énergie propre et quasiment infinie, la fusion nucléaire.

À ces mots, vous pouvez avoir deux réactions: Retenir votre souffle pour en savoir plus ou le laisser sortir dans un grand soupir, accompagné d'un «revoilà l'arlésienne». Car si la promesse d'une électricité illimitée et très peu polluante peut faire rêver, elle ne date pas d'hier. Plus précisément, les recherches d'une possible fusion nucléaire ont commencé dans les années 50.

Depuis, un énorme complexe, nommé Iter, censé tester cette nouvelle source d'énergie a même été installé dans le sud de la France. Et depuis quelques années, les articles à son propos font surtout état de retards et d'augmentation des coûts.

Oui, mais les choses bougent. Et le cousin allemand d'Iter pourrait bien changer la donne. De plus, ces dernières années, plusieurs concurrents, y compris des entreprises privées, ont annoncé avoir réalisé d'importantes découvertes dans le domaine. Alors, la fusion nucléaire et son énergie illimitée nous tend-elle les bras?


À l'intérieur des étoiles

Avant de faire la distinction entre les différents concurrents, il convient de comprendre de quoi il est question (si vous connaissez bien le sujet, vous pouvez passer à la partie suivante). Nos réacteurs nucléaires actuels fonctionnent par fission. On prend de très gros atomes, comme l'uranium, et on va casser son noyau pour le diviser en deux atomes plus petits. Avec la fusion, c'est l'inverse. On va prendre deux atomes d'hydrogène, le plus petit possible, et les faire fusionner.

Dans les deux cas, de l'énergie est libérée à ce moment «Mais casser un noyau, c'est facile, les faire fusionner, c'est beaucoup plus compliqué», explique au HuffPostBernard Saoutic, ingénieur au CEA et ayant travaillé sur des éléments d'Iter. Car les deux atomes se repoussent fortement «Pour les rapprocher, il faut beaucoup de vitesse, pour compenser le freinage de la répulsion électrostatique. Et pour ça, il faut augmenter la température», précise-t-il.

À vrai dire, pour créer la réaction, il faut une température qui peut sembler irréelle: Plus de 100 millions de degrés Celsius. La matière devient alors plasma, le 4e état possible, après le solide, le liquide et le gaz. C'est par exemple ce qui compose les étoiles, mais aussi la foudre.

Cette réaction nucléaire a lieu en continue pas «si» loin de chez nous: Dans le soleil. Mais pour réitérer l'expérience sur terre, ça se complique, précise Bernard Saoutic:


«Si je veux beaucoup de réactions de fusion, j'ai besoin d'avoir le plus de particules possibles avec une température très élevé, mais je dois aussi confiner le plasma. C'est comme dans une baignoire, si je mets de l'eau en laissant la bonde, elle va se remplir, mais si j'arrête, la baignoire va se vider. Ici, c'est pareil, si l'on arrête de chauffer le plasma, la température va baisser. Ce que l'on cherche, c'est à avoir un temps de confinement, pendant lequel la température reste haute, le plus longtemps possible».



Panier percé

Ça, c'est la théorie. Le problème, c'est que la mise en pratique est loin d'être évidente. Créer ce fameux confinement est très difficile. Jusqu'alors, le système le plus courant s'appelle Tokamak. C'est là-dessus qu'a été bâti Iter. Imaginé dès la fin des années 80, le projet international a pris son temps pour se structurer. La construction a commencé en 2007.

Dans un Tokamak, le plasma est enfermé dans une sorte de donut (un tore), entouré par des bobines supraconductrices (des aimants). Pour bien garder le plasma dans ce donut, un courant important est injecté à l'intérieur. Plusieurs tokamaks ont déjà été construits. Mais jusque-là, si tout fonctionne parfaitement, ce n'est pas vraiment rentable.



«Avec la plus grosse machine en fonctionnement, on a réussi à produire 17 Mégawatts contre 23 Mégawatts consommés pour chauffer le plasma», explique Bernard Saoutic. Et c'est tout le problème: Pour le moment, la fusion nucléaire consomme plus qu'elle ne produit. C'est cela qu'Iter veut changer. Plus gros, plus évolué, plus puissant, le projet international à 15 milliards d'euros devrait permettre de fracasser ce plafond de verre.

Théoriquement, Iter devrait permettre de produire dix fois plus d'énergie qu'il n'en faut pour chauffer le plasma. Mais pour l'instant, le projet a pris beaucoup de retard et son coût n'en finit pas de gonfler. Le directeur d'Iter envisage un premier allumage du plasma en 2022, 2023. Puis, en 2027, ce sera la première réaction de fusion... 40 ans après le début de la conception d'Iter.




La revanche de Stellarator

Sauf qu'entre-temps, les choses ont changé, et la suprématie du Tokamak, sur lequel est basé Iter, est disputée. On en revient donc au Wendelstein 7-X allemand. Sur le papier, le projet allemand est assez similaire. On a un gros donut dans lequel de l'hydrogène est chauffé à très haute température, à l'état de plasma. Sauf que le Wendelstein 7-X n'est pas un tokamak, mais un stellarator. La différence? Plutôt que d'utiliser du courant pour confiner le plasma, ce système n'utilise que des bobines magnétiques, mais agencées d'une manière bien spécifique et très compliquée.



Selon le chef de projet Thomas Klinger cité par AP, le bijou à 1 milliard d'euros (seulement) devrait être capable de confiner le plasma plus longtemps qu'un tokamak de taille équivalent «Il est bien plus difficile à construire, mais bien plus simple à utiliser».

«Le stellarator est stationnaire car il n'utilise pas de courant, c'est un gros avantage», précise Bernard Saoutic. Mais le cousin éloigné à encore beaucoup à prouver avant de redevenir le petit chouchou de la fusion nucléaire «Sur Iter, plus on progressait, plus on découvrait de phénomènes nouveaux, ce qui a entraîné des retards», explique l'ingénieur du CEA.




Retour aux sources

Redevenir? Et oui, le principe du stellarator n'est pas récent. Il date, comme le tokamak, des années 50. À l'époque, les États-Unis et la Russie se livrent à une course technologique et chaque pays tente de maîtriser la fusion nucléaire, avec des recherches secrètes. L'ouest travaille sur le stellarator tandis que l'Est perfectionne le tokamak. Mais à la fin des années 60, les recherches stagnent, et les pays décident de déclassifier leurs informations.

Sauf qu'à l'époque, les moyens techniques à disposition étaient tout simplement insuffisants pour réussir à construire un vrai stellarator efficace. Alors les États-Unis ont transformé leurs expérimentations en tokamaks. L'Oncle Sam a même, à partir des années 80 et des coupes budgétaires, tout simplement arrêté les projets de réacteurs à fusion autres que les tokamaks.


«Ce sont ces solutions, testées mais abandonnées à l'époque, que tentent de mettre en place les sociétés privées et autres concurrents d'Iter», rappelle Bernard Saoutic. Car en dehors des stellarators et tokamaks, de nouveaux modèles ont été annoncés ces dernières années.



Si certaines annonces, comme celle de la société Lockheed Martin ont laissé interrogatifs, notamment à cause du manque d'éléments scientifiques, d'autres sont plus carrées. Comme le système de Tri Alpha, qui veut créer un champ de confinement en longueur et à maintenir de l'hydrogène à l'état de plasma pendant cinq millisecondes (un temps très encourageant).

Ou comme l'ARC du MIT «C'est une étude préconceptuelle intéressante pour une commercialisation à terme, mais la mise en oeuvre sera compliquée, comme pour tous les projets de fusion», prévient l'ingénieur.


150 ans plus tard...

«Il y a quelques chose à explorer dans ces différentes voies, peut être quelque chose qui nous a échappé. Ces petites machines ne coûtent pas trop cher», estime Bernard Saoutic. Mais si une nouvelle solution est trouvée, encore faudrait-il la rendre exploitable, un long chemin qui peut être semé d'embûches, comme l'aventure Iter.

Pour autant, l'ingénieur du CEA est confiant. Après Iter, un nouveau système, «Demo», devrait être construit d'ici 2050, dont le but sera cette fois non pas de prouver la faisabilité de la fusion nucléaire, mais sa possible rentabilité économique.

«D'ici la fin du siècle, je pense qu'on aura plusieurs centrales à fusion», précise-t-il. Une énergie quasiment infinie, bien plus propre que la fission (les résidus radioactifs seront bien moins nombreux et le seront bien moins longtemps) et plus sûre. Mais, à moins d'une percée scientifique imprévisible, mieux vaut ne pas compter sur l'énergie de la fusion pour nous sortir de la crise environnementale actuelle.



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