EDF poussée à la faillite par les pseudo-écologistes

par Roosevelt_vs_Keynes
mardi 15 mars 2016


« Et si EDF faisait faillite ? La question semble énorme », s’inquiète Martine Orange dans Mediapart.

Sans être catastrophiques, les résultats d’EDF, publiés ce 16 février, affichent un bénéfice net d’1,18 milliard d’€, mais en baisse de 68 % par rapport à l’année dernière « L’équation financière est difficile », reconnaît son PDG, Jean-Bernard Lévy.


Cette précarité financière pèse lourdement sur toute une série d’investissements qu’EDF, détenue à 84,49 % par l’État, doit assurer :

- Le sauvetage d’Areva et la reprise de l’activité conception des réacteurs nucléaires (Areva NP), qui coûtera environ 2,5 milliards d’€ à EDF ;
-L’EPR de Flamanville, le premier réacteur nucléaire français de IIIe génération, d’une puissance de 1650 mégawatts (MW) dont le coût final se chiffre désormais à 10,5 milliards, très loin des 3 milliards du devis initial. Son démarrage ne devrait pas intervenir avant fin 2018, soit sept ans après la date prévue ;
-L’EPR de Hinkley Point en Grande-Bretagne, évalué en l’état à 25 milliards d’euros, dont 16 de la part d’EDF (voir ici) ;
-La transition énergétique. Il s’agit d’un choc de compétitivité à l’envers, car la loi prévoit que la part de l’électricité nucléaire en France doit tomber de 70 % à 50 % à l’horizon 2025 « Cela fragilise encore un peu plus le modèle EDF », déplore Philippe Page, représentant CGT chez EDF, reprochant à l’État d’empiler loi sur loi sans en mesurer l’impact réel et de tout céder à un libéralisme destructeur ;
-Le « grand carénage », c’est-à-dire la maintenance et la remise à niveau d’ici 2030 du parc nucléaire français aux normes (caricaturales) post-Fukushima, d’un coût de 55 milliards d’€ sur dix ans (100 milliards selon la Cour des comptes) ;
-L’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse), dont la participation d’EDF a été fixée à 25 milliards d’€ ;
-Les coûts futurs de démantèlement des centrales, pour lequel une partie de l’argent mis de côté a déjà été dépensé pour un autre usage…


Décryptage 

Transition énergétique
À l’heure actuelle, l’ensemble des 58 réacteurs nucléaires en service produisent 63,2 gigawatts. Pour réduire, non pas la quantité d’électricité qu’ils produisent, mais leur part dans le total, le gouvernement cherche à augmenter les énergies renouvelables, solaire et éolien.

C’est pour cela que la fermeture des centrales nucléaires dites « en fin de vie » ne se fera que graduellement, au fur et à mesure que de nouvelles prendront le relais. Dans l’immédiat, tant que l’EPR de Flamanville ne sera pas connecté au réseau, la fermeture de Fessenheim est exclue. La Cour des comptes se trompe donc bêtement lorsqu’elle calcule mathématiquement que :

À hypothèses constantes de consommation et d’exportation d’électricité à cet horizon, l’objectif fixé par la loi aurait pour conséquence de réduire d’environ un tiers la production nucléaire, soit l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs.

Interrogée sur France3, Ségolène Royal, à la fureur des écologistes et en dépit des pressions allemandes et de la ville de Genève pour que la France ferme rapidement Fessenheim en Alsace et la centrale du Bugey dans l’Ain, a affirmé qu’elle donnerait son feu vert pour rallonger de dix ans la durée de vie des centrales, à condition que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) donne son approbation préalable.


Condamnée à mort par le marché ?
Ces défis interviennent dans « un contexte international difficile », c’est-à-dire à un moment où les revenus d’EDF risquent encore de baisser pour des raisons que l’on connaît :

Les renouvelables, source de surproduction. 
L’objectif européen de 20 % d’énergies renouvelables, non lié à la réduction de consommation de pétrole et de charbon, a conduit à une surcapacité de production, alors que la consommation baissait par ailleurs du fait de la crise et de la désindustrialisation. En Allemagne, où l’on est sorti du nucléaire, la production d’électricité à partir de lignite et de charbon est restée constante entre 1990 et 2016. Résultat ? Alors que les renouvelables sont censés réduire les émissions de CO2, l’Allemagne en émet seize fois plus que la France !
Effondrement des prix. 
EDF se trouve quasiment dans la même situation que le producteur de lait, qui a besoin de 40 cents pour couvrir le prix de revient du litre qu’il produit, alors que le marché lui en offre moins de 30 cents ! Les prix de gros se situent autour de 28 € le MWh, alors qu’EDF a bâti son budget sur un prix d’environ 35 €, et que les coûts de production sont de 45 € minimum pour le nucléaire existant et de plus de 60 € pour les énergies renouvelables les plus performantes (voir Nouvelle Solidarité n°2/2016) ;


La dérégulation imposée par l’UE. 
La débâcle énergétique française ne fait d’ailleurs pas exception en Europe. La chute ne se limite pas à EDF: Les géants européens de l’électricité (E.ON, RWE, Vatenfall, Engie, etc.) ont perdu 75 % de leur capitalisation boursière depuis sept ans.


À qui la faute ?
Ce qui saute aux yeux, c’est que la dérégulation de l’économie mondiale, arrosée d’une sauce pseudo-écologiste, crée l’environnement idéal pour ruiner ceux qui entreprennent des grands travaux d’infrastructures et construisent des équipements lourds. Car le « temps des marchés » est l’ennemi mortel de celui de l’économie réelle. Alors que la spéculation boursière opère à la nanoseconde, centrales nucléaires ou canaux ne s’amortissent que dans le temps long, c’est-à-dire sur plusieurs, voire une dizaine de décennies. Impossible, en effet, de rentabiliser des investissements à long terme avec des prix de l’énergie hyper-volatiles.

En refusant de changer de cap, ce qui exigerait de rompre avec l’ordre financier de Wall Street et de la City, notamment en imposant une séparation stricte des banques, le gouvernement français, en l’occurrence Hollande, Macron et Royal, se condamne à ne proposer que des solutions calamiteuses :

-Licenciements: 3 500 suppressions d’emploi en France (6 000 dans le monde) d’ici à 2018 ;
-Fermetures: EDF a confirmé le 18 février la fermeture de 5,2 gigawatts de capacités de production, soit la moitié de son parc thermique (gaz, charbon), à l’origine d’un cash-flow négatif de plus de 800 millions l’an dernier ;
-Cession d’actifs: Vente de son siège historique Avenue de Wagram à Paris, privatisation des barrages et de RTE, le réseau de transport et de distribution électrique français détenu à 100 % par EDF (l’une des parties les plus rentables du groupe…) ;
-Investissements à haut risque. C’est quand les choses vont mal qu’on a tendance à prendre des risques toujours plus grands. C’est le cas avec le projet de construction d’EPR’s en Angleterre (voir ici) « Les perspectives de Bruxelles, de l’État français mais aussi celles de la direction d’EDF obèrent à court terme l’avenir de l’entreprise », peut-on lire dans un communiqué des syndicats d’EDF – du jamais vu dans l’histoire de la maison. Il est clair que les bricolages financiers actuels n’offrent aucune perspective viable « Il y a longtemps que l’État actionnaire a disparu. Il n’a plus aucune vision stratégique. L’État joue de façon irresponsable avec EDF. Et nous risquons tous de le payer très cher », constate un cadre dirigeant, cité par Mediapart.


S&P exige :

-La régulation du marché européen de l’énergie afin de stabiliser les prix ;
-L’annulation de la loi sur la transition énergétique. La seule transition valable, c’est celle vers des énergies plus denses et non vers des énergies moins denses et intermittentes ;
-Une commission d’enquête ou, du moins, la remise à plat du dossier d’Hinkley Point, ainsi qu’un délai d’au moins deux ans pour construire de nouvelles centrales en Angleterre ;
-La prolongation au-delà de quarante ans de la durée de fonctionnement des réacteurs du parc nucléaire français, en fonction des autorisations accordées par l’ASN. Il n’y a pas d’issue qui ramène au passé, dans les rapports sociaux comme dans les modes technologiques. Le futur ne peut être fondé que sur les découvertes nouvelles de l’humanité appliquées sous forme de technologies produisant plus et mieux avec moins — pour tous ;
-Un investissement massif dans la fusion nucléaire et les six options prometteuses du nucléaire de IVe génération, en particulier celle de la filière à neutrons rapides et au thorium où la France dispose de certaines compétences ;
-La réalisation rapide du projet FlexBlue de centrale nucléaire sous-marine, développé par la DCNS et EDF, idéal pour la Corse, Mayotte et la Polynésie française ;
-Un partenariat énergétique stratégique avec les membres des BRICS en vue de former la main d’œuvre qualifiée et d’équiper l’hémisphère sud avec des unités nucléaires petites et moyennes, à la taille de leurs besoins.

[1] L’établissement public à caractère industriel et commercial EDF a été créé le 8 avril 1946 par Marcel Paul (PCF) avec le soutien de Maurice Thorez (PCF) par la nationalisation des biens de 1 450 entreprises de production, de transport et de distribution d’énergie électrique.


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