Réponse à Energie-Developpement qui déclare : « EDF : nous vendons de l’électricité mais à la fin c’est nous qui payons… »


Les commentaires de l ’OMEC, en réaction à l’article ci-dessous figurent en rouge plus bas, y compris les graphiques suivis de « OMEC ».
Texte révisé en v2 le 15/08/2017.

Fig0 ener Sans titre

[Analyse] Fin 2016, pour la première fois depuis 5 ans, la France a acheté de l’électricité à l’étranger.

Lien : http://energie-developpement.blogspot.fr/2017/02/import-export-electricite-nucleaire.html

Entendons-nous bien : importer de l’électricité n’a rien d’exceptionnel, notre pays le fait quotidiennement mais d’habitude nous vendons plus à nos voisins que nous n’achetons.

En novembre 2016, cependant, le montant des importations a été supérieur au montant des exportations : la France a acheté pour 206 millions d’euros d’électricité et n’en a vendu que pour 179 millions, soit un déficit de 27 millions d’euros.

En décembre rebelote avec un déficit de 21 millions d’euros.
L’explication est extrêmement simple. Nous avons eu jusqu’à 20 tranches nucléaires arrêtées en novembre et décembre pour exécuter, à la demande de l’ ASN, des contrôles sur la teneur en carbone sur la superficie extérieure et les parties sensibles des boîtes à eau des générateurs de vapeur. C’était une situation tout à fait imprévisible.

Je rappelle que ces 20 tranches représentent une puissance de 20 000 MW. Si cette indisponibilité n’avait pas eu lieu, nous aurions été comme d’habitude exportateur net vers l’Allemagne en hiver.

Il est commode de prendre un point sur l’année pour prouver ce que l’on veut prouver. Mais ce n’est pas suffisant. D’ailleurs si l’on examine l’ensemble de l’année pour l’ensemble des exportations, on voit très bien la baisse des exportations en octobre-novembre et décembre.

Si l’on prend les échanges physiques sur l’année 2016 données par RTE, la France a exporté vers l’Allemagne 5,506 TWh tandis que l’Allemagne a exporté vers la France 1,999 TWh ce qui donne un solde exportateur sur l’année de la France vers l’Allemagne de 3,5 TWh.
On voit bien que le zoom sur 2 mois nuit à la vision globale.


2016 : Bilan des exportations-importations d'électricité françaises 
En 2016 la France a exporté 59,77 TWh d’électricité pour un montant de 1,942 Mds€ (soit un prix moyen à l’export de 32,49 €/MWh). Elle en a importé 19,17 TWh pour un montant de 0,887 Md€ (soit un prix moyen à l’import de 46,28 €/MWh). [ source = douanes françaises].
La balance export – import s’élève à 40,6 TWh pour un excédent commercial annuel de 1,055 Mds€. Ce mauvais résultat nous fait perdre notre place de premier exportateur européen d’électricité au profit de l’Allemagne qui réalise sur la même période un différentiel de 48,90 TWh.


fig 1 ener Sans titre
OMEC : Volume mensuel des exportations françaises d’électricité en 2016.

fig2 ener Sans titre
OMEC : Volume mensuel des importations françaises d’électricité en 2016.
Suite aux problèmes de ségrégation carbone des GV on constate un net tassement des exportations depuis octobre 2016 et une résurgence des importations sur la même période.
A toute chose malheur est bon avec les prix du MWh qui se sont envolés aussi bien à l’import qu’à l’export.

Fig3 ener Sans titre
OMEC : Prix mensuel 2016 du MWh exporté.
Fig4 ener Sans titre
OMEC : Prix mensuel 2016 du MWh importé.
En novembre 2016 nous avons exporté 3,193 TWh au prix de 55,95 €/MWh et importé 2,665 TWh au prix de 77,34 €/MWh.
Au total notre solde exportateur a atteint en 2016 : 41,859 TWh et a rapporté près d’un 1 Mds d’€
Les statistiques des 4 premiers mois de 2017 rétablissent sérieusement cette anomalie 2016.

2017-Solde exportateur d'électricité sur les 4 premiers mois de l'année
(Source site des Douanes) : Graphique rapporté par l’ OMEC :
Fig5 ener Sans titre 
Le total s’élève à 222 960 k€ + 251 855 K€ + 255 587 k€ + 208 981 k€ = 939 383 k€.
 
Commentaires :  

  • Espagne : le solde est peu importateur en janvier pour augmenter sur les 3 autres mois. 
  • Royaume Uni : Janvier et Février ont été affectés par la disponibilité d’IFA réduite de moitié.  
  • Italie : Globalement le solde est quasi constant  
  • Belgique : le solde est très fluctuant. L’augmentation forte des exportations en Avril doit correspondre à des révisions de tranches nucléaires.  
  • Suisse : les exportations ont été fortes en janvier et février pour diminuer ensuite.
  •  Allemagne : le solde exportateur a été fort en janvier et février. Il s’affaisse en mars et avril.
Au total, si la tendance se poursuit sur l’année et si notre parc a des disponibilités, le solde exportateur devrait dépasser les 2 Mds d’€ en 2017.

La France perd sa place de première exportatrice d’électricité au profit de l’Allemagne.
C’est exact pour cette année 2016. Mais gageons que 2017 rétablira les places et n’oublions pas que les tranches nucléaires allemandes qui tournent en base produisent 70 TWh par an. Or cette production va sérieusement baisser dès 2020 pour s’annuler en 2022.

L’événement est remarquable. En effet, notre pays était jusqu’à l’année dernière le premier exportateur d’électricité européen (et probablement mondial). En 2015, nous avons vendu 72TWh à nos voisins et nous n’avons acheté que 9TWh, soit un solde net de 63TWh – l’équivalent de la production annuelle d’une petite dizaine de réacteurs nucléaires. Cet excédent a rapporté 2.3 milliards d’euros à la France.


Fig6 ener Sans titre

Le raisonnement sur une année particulière n’a pas grand sens.
L’année dernière, les exportations d’électricité françaises se sont effondrées de 36% avec un solde de 39TWh. En valeur (plutôt en relatif), la chute est encore plus brutale : -54%.
Cet essoufflement coûte à la France sa première place : l’Allemagne, dont les exportations ont été presque multipliées par 10 en 5 ans, est désormais la première exportatrice d’électricité européenne.Jusqu’en 2022 peut-être et elle sera cruellement importatrice ensuite. Il faut voir à 5 ans. Les investissements dans l’appareil de production électrique sont longs et capitalistiques.
La baisse des exportations françaises s’explique par les problèmes techniques rencontrés par EDF : au deuxième semestre de 2016 jusqu’à un tiers des réacteurs français ont dû être mis à l’arrêt.Exact. Mais si l’autorité de sûreté allemande avait la même sévérité que l’ ASN en France, certaines centrales ne fonctionneraient plus faute de suffisamment de personnel compétent.
 
Cette situation n’est pas inédite : en 2009-2010, EDF avait déjà connu une forte dégradation de la disponibilité du parc nucléaire.
A l’approche de l’hiver 2009, 18 des 58 réacteurs nucléaires français étaient à l’arrêt et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les exportations d’électricité françaises s’étaient déjà effondrées.
Dégradation des termes de l’échange
Ces épisodes d’indisponibilités sont transitoires même s’ils sont probablement amenés à devenir de plus en plus fréquents avec le vieillissement du parc nucléaire français.
Le terme vieillissement n’a aucun sens dans l’industrie. Il n’a un sens qu’en biologie. Dans l’industrie les pièces s’usent et sont remplacées par des pièces de meilleure qualité car elles intègrent le retour d’expérience. Rien ne permet d’affirmer que les incidents se multiplient. Il suffit de consulter le rapport de l’ ASN pour voir que c’est le contraire.
Les chiffres révèlent cependant un autre phénomène peut-être plus préoccupant.
En novembre et décembre 2016, la France a été déficitaire en valeur (respectivement de 27 et 21M€) alors qu’elle était excédentaire en volume (de 528GWh en novembre et d’un tout petit 8GWh en décembre). Curieux, donc : nous vendons de l’électricité mais à la fin c’est nous qui payons…Votre vision des échanges est assez primaire. Quand nos voisins recherchent de l’électricité et que nos tranches ne tournent pas à 100 %, il ne faut pas hésiter à vendre à un coût inférieur au coût complet. Il suffit de vendre à un coût bien supérieur au coût du combustible. Car si nous ne vendons pas, l’ensemble des charges fixes doivent quand même être assumées. C’est une pratique de tous les électriciens au monde.
Et ce n’est pas le consommateur d’électricité qui paie. Le consommateur d’électricité paie au coût de production auquel s’ajoute le coût du transport et les taxes dont la CSPE qui sert à rémunérer les producteurs d’électricité renouvelables intermittentes.

Fig8 ener Sans titre

Une seule explication possible : l’électricité que nous achetons est, en moyenne, plus chère que celle que nous vendons. Ce n’est pas nouveau mais l’écart a doublé en 2016.
Totalement faux. Le solde donné par les douanes est de + 1 Mds d’€ en 2016.
En 2015, la France exportait à 37.6 €/MWh en moyenne et importait à 44.2 €/MWh.

En 2016, la France ne vendait plus son électricité qu’à 32.5€/MWh en moyenne alors qu’elle achetait à 46.3€/MWh.
Oui mais ce qui compte est le produit des MWh importé par leur coût moyen et le produit des MWh exportés par leur coût moyen. C’est comme cela qu’exportant plus que nous importons, le solde était en 2015 de + 2 Mds d’€ et en 2016 de + 1 Mds d’€.
Pas de jaloux : nous sommes maintenant dans cette situation vis-à-vis de tous nos voisins sans exception. Tous nous vendent leur électricité plus chère qu’ils achètent la nôtre et pour tous l’écart se creuse. Mention spéciale à la perfide Albion qui parvient à nous vendre des mégawattheures deux fois plus chers que ceux qu’elle nous achète. Avez-vous fait le bilan exportateur avec la Grande Bretagne ?

Fig9 ener Sans titre
Il y a probablement plusieurs explications à ce phénomène. L’importance du parc nucléaire français est l’une d’elle : avec le développement des renouvelables, le prix de l’électricité devient plus volatil, or un réacteur nucléaire est peu manœuvrable, il ne peut pas être mis en route pour profiter d’un prix de l’électricité momentanément élevé, pas plus qu’il ne peut être arrêté si les cours descendent pour quelques heures en dessous de son coût de fonctionnement.
Les électricités renouvelables intermittentes sont payées très chers par les consommateurs d’électricité et ont la priorité d’accès sur le réseau. Nous sommes donc dans un marché où la concurrence est totalement faussée. Si les EnRi devaient supporter le coût de leur soutien pour être disponible quand le réseau en a besoin, elles disparaîtraient du paysage par non compétitivité.
Votre vision de la non manœuvrabilité du nucléaire en tout ou rien n’est pas exacte. Il faut considérer la manœuvrabilité du parc, il suffit de baisser ou d’augmenter la puissance des tranches en service de quelques % pour laisser passer des électricités bien plus chères, ce qui est franchement idiot. Mais le parc est manœuvrable. 
En d’autres termes, qu’elle demande ou offre de l’électricité la France est obligée de prendre le prix qui lui est proposé là où les pays qui disposent d’un parc plus flexible ont l’alternative d’augmenter ou réduire leur production. Il n’est donc pas étonnant que nous soyons les dindons de la farce.
Les chaudières à charbon ou au lignite sont bien moins manœuvrables que les unités nucléaires. Quant au dindon de la farce, vous l’êtes exactement en acceptant de payer 15 % de votre facture pour rémunérer des opérateurs EnRi qui font des fortunes en quelques années.
Comme d’habitude, les données utilisées peuvent être consultées ici. Tous les chiffres utilisés dans cet article sont tirés de la base de données des douanes (utilisez le code NC8 27160000 pour les retrouver).Vous auriez dû citer les données du site RTE.

Publié le 16 février 2017 par Thibault Laconde
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