Réponse à la tribune du Monde : « Déchets radioactifs : « Cigeo ou la chronique d'un échec annoncéI »


le 15/08/2017

 Commentaire : La longue histoire de Bure. Il était une fois en 1999....



php



Nos commentaires figurent en rouge ci dessous

2017-Déchets radioactifs : « Cigeo ou la chronique d'un échec annoncé »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/08/07/dechets-radioactifs-cigeo-ou-la-chronique-d-un-echec-annonce_5169692_3244.html

Dans une tribune au « Monde », trois scientifiques plaident pour l’abandon du projet d’enfouissement et pour la poursuite des recherches sur la gestion des déchets nucléaires.
LE MONDE | 07.08.2017 à 15h34 • Mis à jour le 07.08.2017 à 16h05
Par Benjamin Dessus, ingénieur, économiste ;
-Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences ;
-Bertrand Thuillier, ingénieur, docteur ès sciences.

En tant que scientifiques, il nous semble utile de revenir sur le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de déchets radioactifs en projet à Bure (Meuse) et sur les très nombreuses questions présentes dans le rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) remis à la fin de juin, comme dans le projet d’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) publié au début d’août, à propos des options de sûreté de cette installation
(https://www.asn.fr/Professionnels/Installationsnucleaires/Dechets-radioactifs-et-demantelement/Projet-de-centre-de-stockage-Cigeo/Qu-est-ce-que-Cigeo).

Ces questions ne concernent pas uniquement les risques majeurs lors de l’exploitation (incendie, explosion), mais soulèvent également des interrogations sur la capacité effective du site : 104 000 m3 de déchets dits « en réserve » et 68 500 m3 de combustibles usés non pris en compte, déchets non acceptables en l’état (colis bitumineux et déchets « incertains », soit 38 %, en nombre, des déchets de moyenne activité).
Elles font aussi apparaître des doutes sur certains aspects de la conception de l’installation (capacité à surveiller, à maintenir, à récupérer, à sceller, etc.). Rappelons que la demande d’autorisation de création, initialement prévue pour 2015, avait déjà été repoussée à 2018, avant de l’être à 2019.
Lire aussi :   Stockage radioactif de Bure : l’Autorité de sûreté nucléaire émet « des réserves » (/planete/article/2017/08/03/stockage-radioactif-de-bure-l-autorite-de-surete-nucleaire-emet-des reserves_5168364_3244.html)

Déchets radioactifs : « Cigéo ou la chronique d’un échec annoncé » http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2017/08/07/dechets-radioactif…

Il faut s’étonner que de telles questions, sur un projet aussi important, soient encore présentes à quelques mois de cette demande. En réalité, pour certains scientifiques comme pour les associations exprimant leur opposition au projet et qui suivent ce dossier, ces questions ne sont que des conséquences d’un projet mené sans alternative à l’enfouissement à Bure, sous influence de l’industrie nucléaire, sous contrainte de temps et sans réel contrôle dans son développement par la Commission nationale d’évaluation. 
La commission Nationale du Débat Public s’est déroulée de septembre 2005 à janvier 2006. Ses conclusions sont connues. Et des suites ont été données à un certain nombre d’observations. Les 3 scientifiques qui s’expriment dans le Monde ont sûrement participé à ces débats qui se sont déroulés sur la totalité du territoire et ont pu poser les questions qui les préoccupent aujourd’hui !

Ces questions sont également l’anticipation du constat d’un projet irréalisable, issu d’un choix discutable (enfouissement dans l’argile) et d’une conception trop rapide (inspirée d’un entrepôt de surface). 
Il ne s’agit pas d’argile mais d’argilite et la conception n’est pas inspirée d’un entrepôt de surface. Le dossier argile a été déposé par l’ ANDRA en 2005. Il fait 520 pages. Il y est notamment question de l’absence d’infiltration d’eau depuis des millions d’années.
Les travaux de Recherches sur ce site datent de plus de 15 ans. Il n’a jamais été question de s’inspirer d’un entrepôt de surface précisément parce qu’il faut que ces déchets FAVL ne posent pas de problèmes aux générations futures.


Revenons par conséquent sur la genèse de cette impasse. En 1991, la loi Bataille ouvrait intelligemment une réflexion sur le sort des déchets nucléaires de haute activité et de moyenne activité à vie longue, en envisageant trois voies de recherche pour leur gestion : stockage géologique, maintien en surface et séparation-transmutation des radioéléments. 
Pour la séparation-transmutation, les auteurs de cet article ont déployé tous les arguments, même les plus fallacieux, pour l’arrêt prématuré de Creys-Malville, seul réacteur à neutrons rapides capable de procéder à cette voie de réduction des déchets à longue durée de vie en déchets en durée de vie plus courte.

Il y avait également la voie du stockage souterrain dans le granit mais Mme Voynet, ministre du même mouvement que les signataires de cet article, s’y est opposée sous des prétextes fallacieux.

Quant au stockage en surface, la plupart des spécialistes considèrent qu’il ne présente aucune garantie pérenne.

Un débat public sur CIGEO a été lancé en 2013 et a dû être abandonné en raison des perturbations (parfois violentes) amenées par les antinucléaires dans les réunions prévues pour le débat. Devant cet échec de démocratie participative, chère aux antinucléaires, le débat a été réorganisé sur internet pour éviter la violence des actions.


Mais en 1999, c’est déjà l’absence d’alternative. 
A partir du moment où l’accord Verts-PS s’était fait sur l’arrêt de Creys-Malville, annoncé par Lionel Jospin dans son discours de politique générale et dès lors que Madame Voynet, Ministre de l’Environnement, s’opposait à une exploration de la solution granite comme en Suède et en Finlande, il ne faut pas être un grand scientifique pour constater que seule la voie argile restait ouverte.

Des moyens et des crédits très importants sont affectés majoritairement à l’enfouissement au détriment des deux autres voies, et un seul laboratoire de recherche géologique est créé à Bure, alors que la loi imposait plusieurs sites de recherche. 
Mais la loi n’était plus appliquée par le gouvernement lui-même.

Roche friable et présence d’eau. 
Cette affirmation est totalement fausse. Il serait temps que nos trois scientifiques aillent visiter le laboratoire de Bure.

En 2005, c’est la contrainte de temps qui apparaît. Le dossier Argile 2005, issu des recherches à Bure, mentionnait bien la capacité de l’argile à retenir les radioéléments, mais caractérisait aussi la roche comme friable (d’où la nécessité de centaines de milliers de tonnes d’acier) et faisait état de la présence d’eau (7 % à 8 %), ce qui générerait des milliers de mètres cubes d’hydrogène par radiolyse et corrosion.
Seul le premier enseignement a été retenu. Un projet industriel a alors été conçu, trop rapidement, et par conséquent en s’inspirant beaucoup trop de solutions déjà existantes : des entreposages de surface, sans contraintes de volume, accessibles et ventilés naturellement. 
Si plus de 15 ans de travaux constituent un projet industriel trop rapide, il semble en réalité beaucoup trop lent et ralenti par des questions qui relèvent du sexe des anges.

En 2006, dans la foulée et sous l’influence de la filière nucléaire, une loi est votée rapidement, entérinant la poursuite des travaux. Mais cette loi ne tient absolument pas compte des conclusions du débat public de 2005-2006, qui proposait une voie de moyen terme – un entreposage de longue durée – afin de permettre, après un temps long d’observations et de recherches, une solution consensuelle et éprouvée. 
Cette voie a toujours été rejetée car sans garantie de pérennité. La Commission Nationale d’Évaluation suit l’ensemble des travaux et publie régulièrement des rapports qui ne sont pas du tout alarmants.

En juin 2007, l’absence de contrôle se vérifie, avec les premiers rapports de la Commission nationale d’évaluation, qui décrivent les opérations sans apporter de réelles critiques ni alerter sur les problèmes à venir.
Tout ce que nous avions annoncé est vérifié.
En 2013, le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs est publié. Il suffit d’en prendre connaissance.
Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (2016-2018) est donné par le CGEDD. Il ne soulève pas les problèmes énoncés ci-dessous.


Le résultat est que le projet Cigéo recèle maintenant des erreurs structurelles de conception qui avaient pourtant été anticipées. Les dossiers Argile produits en 2005 et en 2009 par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) apportaient déjà la preuve de l’immense fragilité de l’option du stockage géologique profond. Nous avions dénoncé, dès 2012, la présence d’hydrogène du fait du choix d’une matrice argileuse, la non-prise en compte des combustibles usés, les incertitudes sur les scellements, la nécessité d’une ventilation continue, la vulnérabilité du site en cas de contamination des galeries et des puits, l’impossible récupération de colis en cas d’accident et/ou d’incendie… 
Pour l’instant seuls les colis bitumineux stockés depuis très longtemps à Marcoule essentiellement posent un problème à régler.

Tout ce que nous avions annoncé est maintenant vérifié officiellement. Le laboratoire de Bure ne doit, ne peut que rester le laboratoire qui avait été annoncé en 1999 aux habitants de la Meuse et de la Haute-Marne.
Cependant, nous sommes bien conscients que les déchets ne disparaîtront pas avec la disparition de Cigéo ; ils doivent impérativement disposer d’une solution de gestion. Revenons alors à l’esprit et à la lettre des conclusions du débat public de 2005-2006 afin d’envisager la seule solution réellement à notre portée actuellement : l’entreposage à sec en subsurface, afin de pouvoir poursuivre les recherches sur la nature de ces déchets, leur tri et leur production, sans dogmatisme et en mobilisant les doutes et le pragmatisme indispensables face à la complexité de cette problématique.
C’est la solution qui apporte le moins de garantie et dont personne ne veut. C’est pour les trois scientifiques, une façon de se donner bonne conscience.

Les signataires auraient pu aborder la nécessité pour la France d’un seuil d’exemption, comme en Suède, pour réduire les volumes de déchets TFA qui ne sont que radioactifs administratifs et saturent inutilement les zones de stockages. Lors de son discours de départ à la retraite, le Président de l’ IRSN, avait soulevé ce problème et cette question n’avait pas fait l’objet d’une levée de boucliers.


Signataires :
Déchets radioactifs : « Cigéo ou la chronique d’un échec annoncé » http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2017/08/07/dechets-radioactif…

-Benjamin Dessus, ingénieur, économiste.
-Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences.
-Bertrand Thuillier, ingénieur, docteur ès sciences.

Nota bene
Rapport parlementaire sur la gestion des déchets radioactifs (05-07-2013)

Au cours de sa réunion du mercredi 3 juillet, la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet (SRC, Indre), a autorisé la publication du rapport d’information de Christophe Bouillon (SRC, Seine-Maritime) et Julien Aubert (UMP, Vaucluse) sur la gestion des matières et déchets radioactifs.

Ce rapport conclut les travaux d’une mission d’information confiée aux deux rapporteurs par la commission du développement durable le 18 juillet 2012. Les rapporteurs soulignent que la question de la gestion des déchets nucléaires doit être traitée séparément de celle de la transition énergétique et de la structure souhaitable du bouquet énergétique français à moyen terme. Les évaluations de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) aboutissent en effet à un stock de 2,7 millions de m3 à l’horizon 2030 (contre 1,3 million de m3 en 2010), majoritairement constitués de déchets à faible et très faible activités.

Après un état des lieux de la problématique des déchets nucléaires en France, le rapport estime que le choix du stockage géologique profond et réversible des déchets de haute et moyenne activités à vie longue constitue une « solution de raison » et la « meilleure aujourd’hui disponible. » Engagée dans cette voie avec le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), la France se trouve néanmoins confrontée à une série de questions en suspens, comme la maîtrise du coût de l’installation, le contenu de la réversibilité (qu’il appartiendra au législateur de trancher en 2015) ou l’intégration de Cigéo dans un projet territorial structurant, par exemple à travers la création d’une « zone d’intérêt national ». Les rapporteurs soulignent par ailleurs la nécessité de conforter l’indépendance et les missions de l’Andra dans le cadre de son contrat d’objectifs 2013-2016 et appellent de leurs vœux l’ouverture d’une réflexion prudente sur l’introduction d’un seuil de libération des déchets radioactifs en

France, dans le cadre de cycles de traitement fermés.

Jean Fluchère.


Fin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

HAUTE-MARNE, VOISEY : LA MRAE RECOMMANDE DE NE PAS AUTORISER LE PROJET D'USINE ÉOLIENNE, DIT LES " GRANDES BORNES "

Précédemment La MRAe : Mission régionale d'autorité environnementale   Les Missions Régionales d'Autorité environnementale, MRAe, on...