L’énergie nucléaire et la fascination des 50 %

http://www.miroirsocial.com
par Maire Jacques*
05/09/2017

La politique énergétique a occupé une très faible place dans les récentes campagnes électorales.

Le candidat victorieux a simplement dit qu’il suivrait la loi de transition énergétique. Le nouveau gouvernement veut se montrer exemplaire dans ce domaine (comme dans les autres) et le nouveau ministre, figure emblématique du mouvement écologique, a dans deux déclarations récentes défini ses orientations, l’une pour la lutte contre le réchauffement, l’autre sur l’avenir du nucléaire. Cette séparation en deux déclarations est déjà une illustration de la complexité des problèmes car les orientations peuvent être contradictoires.
Jusqu’à présent, la fermeture de Fessenheim et les 50 % de part du nucléaire dans le mix électrique avaient un côté un peu théorique mais les choses semblent devenir plus sérieuses.

Le nouveau ministre pourrait réexaminer la question de façon rationnelle et pragmatique sans être soupçonné d’ignorer l’écologie. Le voudra-t-il ? Pour l’instant, il semble considérer les 50 % comme intangibles. Mais comment justifier les 50 % de la production électrique d’origine nucléaire ? À remarquer qu’on parle en production (kWh) et non en puissance installée (kW) pour laquelle le nucléaire ne représente déjà que 50 % environ du parc total (63 GW sur 123 GW).

Nés lors d’une campagne électorale, celle de 2012, les 50 % de la production avaient un air de sagesse et permettaient de se concilier les antinucléaires et de ne pas heurter ceux plus proches des réalités économiques en insistant sur le côté raisonnable. C’est la vertu du juste milieu ! Mais aucune présentation n’a été faite pour montrer que c’était la meilleure solution : pourquoi 50 % et pas 70 %, ou pourquoi pas 30 % ou tout autre chiffre ?

Ce chiffre de 50 % a été repris dans la loi de transition énergétique, par discipline de vote mais sans plus d’effort de justification rationnelle. La voie normale devant un choix de prolongation ou de remplacement est de comparer les solutions avec tous les critères qu’on peut vouloir mais il ne s’agit pas de fixer par avance le résultat.

Il est possible de raisonner sur la sécurité mais cela s’avère difficile car les risques sont de natures différentes d’une énergie à l’autre et surtout le nucléaire est devenu un marqueur politique qui empêche toute discussion rationnelle. De toute façon, les 50 % ne correspondent à rien. Soit on estime que le risque est maîtrisable, alors pourquoi s’écarter de l’économie en se bloquant sur ces 50 % ? Soit c’est un danger inadmissible, alors dans ce cas il faut faire comme les Allemands.

Nous pouvons aussi nous baser sur le changement climatique. Dans ce cadre, fermer des productions non carbonées est, tout au plus, neutre si, en remplacement, on ne construit que des solutions également non carbonées. Cela n’est pas possible comme le démontre le cas allemand.

Ensuite, on ne peut pas mettre en avant la sécurité d’approvisionnement car les énergies nouvelles installées ne sont pas forcément disponibles quand on en a besoin : le solaire est forcément absent pour les pointes des soirs d’hiver ! Or il faut de l’ordre de 100 GW pour passer l’hiver.

Et cette pointe n’a aucune raison de diminuer, en particulier si les véhicules électriques se développent.

D’ailleurs, actuellement la situation n’est déjà pas confortable comme l’a montré le dernier hiver.

Les énergies non intermittentes représentent une puissance installée de 110 GW. Si on soustrait de ce chiffre le quart du parc nucléaire et les centrales à charbon, on tombe vers 85 GW et donc, sauf à construire des centrales à combustibles fossiles on ne passe pas. Les énergies renouvelables non intermittentes, c’est-à-dire la géothermie et la bioénergie, ne sont, elles, pas à l’échelle des besoins, pas plus que le potentiel restant de l’hydraulique.

La protection de l’environnement ne sera pas mieux assurée avec la baisse du nucléaire, il suffit de voir le nombre d’éoliennes nécessaires et les surfaces occupées par le solaire, et les difficultés rencontrées par les nouveaux projets dans ces domaines.

Enfin l’indépendance énergétique qui a été mise en avant lors du lancement du programme nucléaire ne sera pas améliorée.

À un moment où tout le monde parle de nouvelle approche des problèmes dans tous les domaines, il serait bon de l’appliquer à la politique énergétique en se rappelant que :

· les deux dangers sont les dogmatiques et les rêveurs ;
· et que pour avoir raison à long terme, il ne faut pas être mort à court terme.

Réflexions publiées dans Enerpresse, le quotidien de l’Énergie
N°11881 


php




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

YVELINES, SEPTEUIL : QUI BRACONNE NOS ARBRES ? QUAND DES CITOYENS-ENQUÊTEURS DÉCOUVRENT UN TRAFIC ILLÉGAL

   L'abattage et l'exportation illégaux de bois, essentiellement des chênes, issus d'espaces boisés protégés , de la France vers...