Président Macron, encore un effort sur le nucléaire

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12/12/2017

Commentaire : clair, net et précis! Incontestable. À conseiller comme livre de chevet à tous les décideurs.euses politiques tentés.es par le Veau d'or éolien...
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Emmanuel Macron, en réponse à des questions du Monde, a précisé sa politique pour l’électro-nucléaire. Ce qui est utile pour la clarté du débat entre citoyens sur ce sujet. Toutefois, il y a encore un effort à faire si l’on veut que les termes de ce débat soient vraiment connus, comme la politique du gouvernement en la matière.

►En premier lieu, il eut été utile qu’Emmanuel Macron ne dise pas : «Si l’on est d’accord pour considérer que la première priorité, c’est le réchauffement climatique, l’urgence est alors de fermer des centrales thermiques et celles au charbon. Or, personne ne l’avait fait. Nous allons le faire avant la fin du quinquennat, je ne renvoie pas cette décision à mes successeurs.» Tout simplement parce que c’est faux.
Le graphique ci-dessous, publié par RTE (Réseaux et Transport d’électricité) indique les fermetures de centrales thermiques (fioul et charbon) entre 2013 et 2016. Pas moins de 6,8 GW de puissance installée ont été fermée, soit l’équivalent de plus de 9 réacteurs nucléaires de 900 MW. Il reste 3 000 MW de centrales à charbon, les fermer toutes, ce à quoi Emmanuel Macron s’engage, sera donc de moindre importance.


Il eut été également utile, pour la qualité de l’information des citoyens, qu’Emmanuel Macron ne dise pas : «Je ne transigerai en rien sur la sûreté. Et donc, pour être très concret, si l’ ASN me dit qu’il faut fermer des centrales durant le quinquennat pour des raisons de sûreté, ce sera fait.» Tout simplement parce que cela semble révéler une sérieuse incompréhension de sa part de la légalité résultant de la loi TSN, Transparence et sûreté nucléaire, votée en 2006 et instituant l’Autorité de Sûreté Nucléaire en autorité administrative indépendante.
Cette loi stipule en effet que l’ ASN ne va pas « dire » au Président de la République de fermer une centrale pour raison de sûreté. La loi donne à l’ ASN le pouvoir de stopper le fonctionnement de toute installation nucléaire si elle le juge nécessaire pour raisons de sûreté. C’est ainsi qu’elle a récemment ordonné l’arrêt des quatre réacteurs du Tricastin durant les travaux de renforcement de la digue qui les protège du canal Donzère Mondragon. Et le gouvernement n’a pas les moyens juridiques d’intervenir sur cette décision. Si l’ ASN décide d’arrêter un réacteur, sa décision est exécutoire sans délai ni recours et le Président de la République, comme le gouvernement, n’ont pas le droit d’interférer avec elle, d’entériner ou de retarder sa mise en oeuvre.
Bien sûr, si la décision de l’ ASN est définitive, le gouvernement aura à écrire les décrets nécessaires à la clôture juridique de l’autorisation de fonctionnement du réacteur, mais de même qu’aucune centrale nucléaire ne peut fonctionner sans l’autorisation de l’ ASN, le gouvernement ne peut la faire redémarrer si l’ ASN le refuse. A l’inverse, rien n’empêche le gouvernement de fermer une centrale sans que l’ ASN le demande pour raison de sûreté, c’est d’ailleurs le cas de celle de Fessenheim.

Un miracle du Saint Esprit
Il serait utile que le Président nous dise comme il va tenir cet engagement : «Donc ma position sur le nucléaire est à la fois très claire et très ambitieuse : nous allons descendre le plus vite possible vers 50 % de nucléaire, mais à condition de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre !».
Ce serait utile parce qu’on ne voit pas comment cela serait possible si la perte de production est entièrement comblée par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Ces deux moyens de production sont peu ou pas fonctionnels en l’absence de vents ou de Soleil. Il faudrait donc un miracle relevant du Saint Esprit pour que la baisse de production nucléaire puisse être intégralement compensée ainsi sur l’ensemble de l’année et ceci quelque soit la météo de l’année. Or, il suffirait d’un retour de l’hiver 2012, donc pas vraiment de l’inédit ni les grands hivers des années 50 et 60, pour que les pointes de consommation demandées ne soit pas couvertes par la production si l’on a fermé plusieurs réacteurs nucléaires. A l’époque, il avait fallu mobiliser tous les moyens disponibles et importer près de 7 000 MW pour garantir la sécurité d’approvisionnement. Quant au retour des hivers 1985 et 1987, nul ne sait comment on le passerait.


Déjà, le 25 janvier 2017, on n’est passé pas très loin de délestages massifs. Or, ce jour là, pour passer la pointe de 19h, les moyens de production charbon, gaz et fioul ont contribué pour 18% des 92 788 MW exigés par les consommateurs. Comme il faisait un froid sans vent, les près de 11 000 MW d’éoliennes installées n’ont produit que 1,5% du total et les panneaux photovoltaïques, privés de Soleil, rien du tout. Sans les importations massives – 6% du total – la situation aurait pu mal tourner. On comprend mieux pourquoi l’Allemagne, malgré l’installation d’éoliennes et de photovoltaïque pour une puissance supérieure au parc nucléaire français a conservé autant de centrales à charbon et à gaz, au prix d’un suréquipement coûteux.
Pour mieux comprendre le problème, voici l’exemple du lundi 4 décembre dernier, un jour pas très froid. On y voit un système électrique avec seulement 50 000 MW de nucléaire, en raison des arrêts actuels, donc représentatif d’un parc diminué d’une douzaine des plus vieux réacteurs. Or, vent et soleil ne produisent que peu de la puissance éolienne et photovoltaïque installée. Du coup, le recours aux fossiles monte à 15% du total sur la journée, tandis que nos voisins fournissent plus de 5% de la consommation. Ce jour là, avoir plus d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques n’aurait pas changé grand chose à leurs apports au système.



Un mystère profond
Il serait utile qu’Emmanuel Macron dissipe un mystère profond. Pourquoi ce chiffre de 50% comme objectif de la production nucléaire d’électricité ? Certes, il est inscrit dans la loi. Mais quelle en est la raison ? Pourquoi serait-il préférable à 40% ou 60% ? Pourquoi devrait-il demeurer stable dans le temps alors que le calendrier de l’arrêt des réacteurs actuels n’est pas connu et que l’éventuel rythme de la construction d’autres réacteurs n’a jamais été annoncé par le pouvoir politique ? Pourquoi devrait-il être atteint «le plus vite possible» alors que le nucléaire répond à l’impératif climatique.  Mystère et boule de gomme.
Il n’existe aucune étude technico-économique indiquant que ce chiffre est un optimum de ces deux points de vue, tant pour le coût de l’électricité que pour la sécurité de l’approvisionnement. Son origine est purement politique, voire électoraliste, dans les négociations entre François Hollande et EELV en 2012. Depuis, aucune étude technique n’est venue en donner une quelconque raison économique, financière ou technique, que ce soit pour le pays ou EDF.
Il n’existe d’ailleurs aucune raison de sûreté. Si le nucléaire est jugé comme un risque inacceptable, alors, il faut viser 0% au plus vite et prévoir les alternatives. Si à l’inverse ce risque est jugé maîtrisable, le chiffre de 50% n’a aucune justification de sûreté, tant pour le nombre de réacteurs que pour leur gestion quotidienne ou pour l’équilibre économique et financier indispensable aux investissements de sûreté particulièrement élevés exigés par l’ ASN.
► Enfin, il serait vraiment utile qu’Emmanuel Macron révèle au pays s’il veut ou non conserver ce socle de 50% de production nucléaire sur le long terme. Parce qu’une telle politique exige, pour être compatible avec les impératifs de la sûreté, des décisions sur le remplacement des plus vieux réacteurs au fur et à mesure de leur arrêt, sur l’industrie de construction des réacteurs et de l’approvisionnement en combustible ainsi que sur la gestion des déchets. Or, pour le moment, le silence gouvernemental est complet sur ces sujets. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’agit pas. Que ses représentants aux conseils d’administration d’EDF, d’Areva ou de l’ Andra (en charge des déchets) ne votent pas les plans stratégiques de ces entreprises ou service public qui prévoient des décisions dans ces différents domaines. Mais qu’il ne fait rien pour que le débat avec les citoyens se déploie sur des bases claires et sincères quant à ses objectifs de long terme.

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