Nucléaire : quand un journaliste a du plomb dans la plume

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Michel Gay et Pascal Goddard



L’article de Frédérick Macé « Quand le nucléaire a du plomb dans l’atome » ( Le progrès, édition Oyonnax-Léman-Buggy-Bas Bugey du 5 février 2018) concernant la production électronucléaire dans notre pays n’échappe malheureusement pas aux désinformations et poncifs de certains médias orientés et peu scrupuleux d’une approche réaliste et économique.

Ce journaliste écrit que “le nucléaire n’a plus la cote” dans le monde.

Or, début 2018, 449 réacteurs sont en fonctionnement, et 56 sont en construction dans le monde. L’Inde vient de commander 12 réacteurs nucléaires… Ce n’est pas tout à fait une régression du domaine électronucléaire. Des pays comme la Chine l’Inde la Russie, la Corée de sud, les émirats Arabes Unis construisent actuellement des réacteurs nucléaires, et ils ont des objectifs d’augmentation de leurs capacités.

L’article cite monsieur le secrétaire d’état Lecornu qui vante la compétitivité des énergies renouvelables.
Or, les énergies renouvelables sont largement subventionnées par le contribuable et l’usager à cause, justement, de leur coût élevé.
Ainsi le prix de vente de l’électricité issue de l’éolien terrestre est trois fois plus élevé que le nucléaire historique, et le solaire photovoltaïque jusqu’à quinze fois plus cher (selon le type d’installation et l’année de mise en service). Quant à l’éolien offshore (en mer), il sera vendu plus de six fois plus cher que le nucléaire historique.

Alors parler de compétitivité relève du mensonge éhonté.
De plus les éoliennes et les panneaux photovoltaïques sont importés en France, ce qui fait de ces renouvelables une énergie défavorable à l’équilibre de notre balance commerciale (qui n’en a pas vraiment besoin).
L’éolien et le solaire photovoltaïque sont des sources d’énergies intermittentes dont la production d’électricité n’est pas stockable. Elles demandent en complément une énergie de secours équivalente pour permettre au réseau d’équilibrer la production et la consommation à chaque instant.

L’Allemagne rase des villages entiers (à l’instar du village d’Immerath) pour ouvrir en lieu et place des mines de lignite. Imagine-t-on cela en France où le projet de construction d’une petite réserve d’eau à Sivens a occasionné les troubles connus de tous ?
Ce pays, champion des énergies renouvelables, rejette dix fois plus de gaz à effet de serre que la France pour une même production d’électricité et les particules fines de ses centrales au lignite viennent parfois nous arroser dans certaines conditions météorologiques.
Il est étrange que Nicolas Hulot ne réclame pas la fermeture des centrales allemandes polluantes.

L’article évoque le modèle des grosses unités de production d’électricité qui nécessitent des transports d’énergie sur des centaines de kilomètres et qui seraient « largement remises en cause ». Mais que dire alors des 4000 kilomètres de lignes haute tension que les Allemands essayent de construire pour acheminer l’énergie éolienne produite en mer du nord vers le sud de la Bavière ? 

Les réseaux haute tension français sont déjà construits
Entretenir un parc nucléaire, voire le compléter, ne nécessite pas d’investissements significatifs sur les réseaux, alors qu’introduire massivement des énergies renouvelables intermittentes imposent de revoir leur maillage avec des investissements très importants. Ces installations contribuent au « coût système » des renouvelables, rarement cité dans les médias.

Les critiques de l’article concernant « le fiasco industriel de l’ EPR » sont étonnantes.
Si l’ EPR était un fiasco alors :
– Pourquoi les Chinois en construisent deux, et peut-être plus dans le futur ?
– Pourquoi les Anglais nous en ont commandés deux, avec deux options supplémentaires ?
– Pourquoi l’Inde est-elle intéressée pour en construire de quatre à huit ?

Quant au coût d’investissement du prototype de Flamanville, 10 milliards d’euros (Md€) pour une machine qui doit produire pendant 80 ans avec une disponibilité de 80%, cela représente un coût d’amortissement de un centime d’euro par kilowattheure (c€/kWh). Pas de quoi affoler nos factures d’électricité alors que pour les énergies renouvelables le surcoût annuel est de 7 Md€ pour la France en 2017, et probablement 10 Md€ par an en 2020, payés par les usagers et les contribuables !

En Allemagne ce surcoût est de 24 Md€ par an pour les « renouvelables » et continue d’augmenter chaque année.

La fermeture annoncée de Fessenheim constitue la pire gabegie de la cinquième république. Elle n’est réclamée ni par l’Autorité de Sûreté, ni par l’exploitant.
Cette décision aboutirait à :
-Une perte d’exploitation plus de 7 Md€ pour EDF. Fessenheim pourrait logiquement être prolongée sur une durée 60 ans comme la centrale de Beaver Valley aux États-Unis dont Fessenheim est la sœur jumelle (licence identique). L’article confond le temps d’amortissement actuel de 40 ans d’un réacteur nucléaire avec sa durée de vie qui, elle, n’est limitée que par l’évolution des paramètres de sûreté et de rentabilité économique.
-Priver les usagers français d’une électricité rentable et bon marché,
-La suppression de 2200 emplois non délocalisables qui ne seront pas remplacés (les agents EDF seront redéployés vers d’autres unités ce qui privera autant de jeunes d’accéder à un emploi). Le démantèlement de la centrale nécessitera peu d’emplois.
-Un manque d’énergie électrique de 12 térawattheure par an (TWh/an) pour la région Alsace qui sera compensé par l’importation d’autres régions, et probablement… d’Allemagne !
“Accessoirement”, l’électronucléaire en France représente :
– 20 Md€/an d’économie d’importation de produits pétroliers,
– 10 fois moins de rejets de gaz à effet de serre pour la production d’électricité que l’Allemagne,
– Une industrie « made in France » à forte valeur ajoutée largement exportatrice,
– Un prix de production compétitif en Europe,
– Une des premières industries pourvoyeuse d’emplois en France.

Le Progrès s’honorerait à publier un article sur les avantages de l’électronucléaire français plutôt que de se contenter de rapporter des ragots de type “café du commerce” ou “fake news” de personnalités idéologiquement antinucléaires.

Ponctuellement, le nucléaire peut avoir des difficultés comme toutes les technologies complexes mais il n’a pas du « plomb dans l’atome ».
En revanche, certains journalistes écrivent avec une plume de plomb pour « plomber » le nucléaire.

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