Vendée : les îles d'Yeu et de Noirmoutier vent debout contre le projet éolien

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Commentaire : si certains arguments avancés sont spécifiques à ce projet, beaucoup d'autres sont universels. Profitons-en!
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Projet éolien dans le détail 

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Jacques Oudin (ancien élu de Noirmoutier, ex Sénateur et ex vice-président du Conseil général de la Vendée) s'exprime Contre le projet sur le registre de l'enquête publique.
Son argumentaire est long, mais d'une très grande hauteur d'esprit, lisez le jusqu'au bout !


"Monsieur le Président
Mesdames et messieurs les membres de la Commission d’enquête
En tant que citoyen retraité mais surtout en tant qu’ancien élu local de l’Ile de Noirmoutier  ayant œuvré pendant plus de 40 ans pour sa protection , son environnement et son développement , je vous adresse ,ci- joint, mes remarques sur ce projet de parc d’éoliennes en mer qui va impacter fortement et durablement cet écosystème de la mer littorale et de nos îles d’Yeu et Noirmoutier .

1) Retour sur mon parcours personnel 

Originaire de la Cour des Comptes je me suis préoccupé, toute ma vie professionnelle des comptes publics en tentant de scruter et de pourchasser certains errements de nos finances publiques secteur dans lequel la France se place sur le podium des plus forts prélèvements obligatoires .
Membre du Cabinet du Ministre de l’Aménagement du territoire , de l’équipement , des transports et du logement, de 1970 à 1974 , j’ai participé à la gestion de certains des grands programmes d’aménagement de la France dont la filière énergétique .
J’ai retrouvé une partie de ces préoccupations au Ministère de l’Industrie de 1974 à 1982 où je fus successivement adjoint au Directeur Général de l’Industrie , délégué à la Petite et Moyenne Industrie et , enfin , Directeur de l’Administration Générale et, à ce titre , responsable du contentieux de la sûreté nucléaire .
Mon parcours a également été celui d’un élu local de base ( conseiller municipal de La Guérinière de 1977 à 2014 soit 37 ans ) , président de la structure intercommunale de l’Ile ( SIVOM puis District) de 1977 à 2001 ( 24 ans ) , Conseiller Général de ce canton de 1976 à 2015 ( 39 ans ) puis Sénateur de la Vendée pendant 18 ans de 1986 à 2004.
Dans le domaine associatif j’ai créé de multiples associations qui existent encore dont l’ ANEL ( association nationale des élus du littoral )en 1977 , l’ AVEL ( association vendéenne des élus du littoral ) en 1990 ainsi que le CFE ( Cercle Français de l’Eau )en 1990.
Au terme de ce parcours je pense avoir acquis certaines expériences dans les domaines que j’ai eu à traiter notamment en ce qui concerne la protection de notre littoral cet « espace limité , fragile et convoité » termes qui s’appliquent également à la « mer littorale » domaine que votre commission d’enquête doit aborder sous l’aspect de ce champ de 62 éoliennes de plus de 200m de haut .

2) Les enjeux pour l'île de Noirmoutier
Au cours des 40 années que j’ai consacrées à l’Ile de Noirmoutier, j’ai privilégié Trois thématiques majeures :
A - La protection physique de l’Ile
Espace fragile né de la mer , vivant en symbiose avec elle , L’Île n’avait d’avenir que si elle était suffisamment sécurisée tant pour ses 25 km de digues que pour ses côtes sableuses .
Au sortir de la guerre , face à l’exode rural , à une législation inadaptée ( loi de 1807 ) et à des finances fragiles il a fallu innover : L’ile s’est donc dotée d’un corps de doctrine qui a prouvé son efficacité et a été repris par la loi Gemapi  , 35 ans plus tard .
Le principe était simple et repose sur trois bases :
- un seul maître d’ouvrage pour la Défense contre la Mer ( la structure intercommunale)
- un seul propriétaire des 25 km de digues ( la même structure intercommunale)
- un plan d’ensemble à long terme de confortation des ouvrages et de espaces côtiers .

B- La préservation de l’authenticité de l’Ile

Cette préservation passait par deux actions majeures :


1- la création du premier POS cantonal sur le littoral métropolitain : les surfaces urbanisables étaient limitées à 27% du territoire insulaire ( ce qui préservait 73% de zones agricoles et naturelles ) avec un règlement d’urbanisme sévère qui limitait les hauteurs de construction afin d’être en accord avec l’architecture basse traditionnelle de l’Ile .
A part les phares , il n’y a pas d’immeubles de hauteur dans notre Île (..et très peu d’ascenseurs !)
Déjà vous comprendrez les réticences et les allergies de beaucoup d’insulaires de voir s’ériger à proximité de l’Ile un parc de 62 éoliennes de plus de 200 mètres de haut !!
2- la seconde action essentielle a été de préserver voire de développer les activités traditionnelles de l’Ile .
Grâce à la solidarité de tous les insulaires (et l’aide souvent précieuse de résidents secondaires ,) nous avons pu maintenir voire développer la culture des pommes de terre , les marais salants et la saliculture , la conchyliculture tout nous orientant vers des productions nouvelles telles que l’aquaculture.
Notre pêche côtière a fait l’objet de toute notre attention avec la modernisation du port de l’ Herbaudière et de sa flottille : ce port a toujours su maintenir une excellente rentabilité .
Vous comprendrez donc que tous les marins pêcheurs de l’ Herbaudière ( sauf un !) aient signés la pétition contre ce projet d’éoliennes en mer situé sur leur zone traditionnelle de pêche .
Il faut également savoir que les marins pêcheurs de l’Île d’Yeu ont , en général , une autre zone de pêche située plus au large .
C - Faire face à la « déferlante » touristique
L’île de Noirmoutier n’avait qu’une vocation dans ce domaine : être une station familiale populaire .
Les terrains de camping y sont nombreux , les petites résidences secondaires aussi .
Nos plages de sable fin sont grandes et sûres face à l’Ouest avec cet océan qui a « l’Horizon pour seule limite » comme on le dit à Saint Jean de Monts ou qui est , comme le chante Jacques Brel  dans sa chanson du « plat pays », le dernier « terrain vague » du monde fini .
Bref , cet océan , cette mer libre est notre regard permanent et notre rêve quotidien.
Voir ce paysage barré par un mur d’éoliennes de 200 m de haut clignotant de jour comme de nuit, serait un crève-cœur permanent .
D’où la réaction parfaitement compréhensible de beaucoup d’insulaires .
Voila pourquoi tant de «petites gens » sont indignées et se sentent dépossédées de ce qu’ils considèrent comme leur capital inaliénable : cet espace qui est le leur et dont on veut les priver !!!

Mais alors pour quels objectifs et pour l'intérêt de qui??

C - Les enjeux nationaux sont-ils crédibles ? : à l’évidence NON !

Pour simplifier , il apparaît que ce projet d’ éoliennes Yeu-Noirmoutier viserait trois enjeux majeurs de la politique gouvernementale :
- un enjeu industriel : faire émerger une filière industrielle
- un enjeu énergétique : développer les énergies renouvelables
- un enjeu environnemental : s’intégrer dans une vaste politique de protection de la mer et du littoral .
La contradiction est totale entre les objectifs de ces politiques et les conséquences qui résulteront de la création de ce parc ( comme de tous les autres prévus sur le littoral !)

1)— Faire émerger une filière industrielle

C’est le premier objectif mis en avant sur les documents du « consortium »mis à l’enquête .
C’est certainement louable mais une filière industrielle ne se bâtit pas sur des déficits !..même si nous disposons des compétences techniques reconnues .
Nous avons , dans ce domaines connu , des échecs spectaculaires : 13 plans machines-outils qui n’ont donné aucun résultat , un plan informatique qui a été un désastre ...etc..
En revanche nous avons connu quelques succès très spécifiques ( avec le nucléaire car sans concurrence ) , avec le TGV, l’espace , Airbus ...
Le secteur énergétique étant ouvert à la concurrence , l’importance déraisonnable du prix de rachat de l’électricité éolienne ( dont chacun connaît les insuffisances !) imposé à EDF conduit tous les organismes de contrôle compétents ( CRE , Cour des Comptes , IdF etc...) a mettre en garde l’Etat contre une système injustifié à court et moyen terme et ingérable à long terme .
Avec un tel niveau de prix de rachat ( payé en définitive par le consommateur) l,État a enfin pris conscience, grâce au Président MACRON, de l’impasse financière dans laquelle la France s’engageait à la demande expresse de ses prédécesseurs !!!
La renégociation des contrats est donc la meilleure solution .

En effet le système financiers mis en place a des conséquences dramatiques d’une part sur les surcoûts payés par les consommateurs ( 40 milliards !!!) mais surtout sur la clarté des procédures d’attribution des marchés .
Je regrette pour ma part que le Sénat ait refusé de voter l’amendement déposé par le Gouvernement pour engager la renégociation des contrats .
Avec de tels niveaux de prix de rachat , les bénéfices attendus par les opérateurs ( le retour sur investissements) sont tels que nous entrons dans une zone de « suspicions » concernant toute les actions d’informations auprès des jeunes et de la population et d’attribution de subventions à des Associations locales ou des manifestations qui peuvent ,aux yeux de certains , s’apparenter à des actions de « corruption » .
La Justice , saisie de ce dossier , aura d’ailleurs à se prononcer sur ce point. !!

Dans un tel contexte je vois mal engagée la filière industrielle annoncée tant sa base et ses fondements sont fragiles et discutables .
2)— Développer les énergies renouvelables :
Deux questions méritent d’être posées :

>>>> la France est elle en retard ou en avance dans le domaine des énergies renouvelables ( ou plutôt dans le domaine des énergies décarbonées) .?
Sans entrer dans le débat de l’énergie nucléaire qui est largement décarbonée, soulignons que dans le domaine de l’énergie hydroélectrique la France de situé au second rang européen derrière la Norvège .
Soulignons également le paradoxe de la France qui est souvent citée en exemple pour la sûreté de ses installations nucléaires , qui souhaite vendre ses nouvelles technologies à de nombreux pays , qui ambitionne garder sa place dans un monde où se construisent ou vont se construire plus de 400 centrales nucléaires , serait le pays qui réduirait ses capacités nucléaires alors que ses voisins européens ont des besoins énormes de consommation d’énergie électrique .

>>>>Certes nous sommes en retard pour l’énergie solaire mais après une première vicissitude due ( encore !) à la spéculation entraînée par un niveau trop élevé de prix de rachat, la France avance à grand pas dans ce domaine et pourrait d’ailleurs faire encore mieux si toutes les surfaces plates des bâtiments commerciaux et industriels avaient l’obligation de consacrer un partie ce ces mêmes surfaces à des panneaux solaires .
Je me permets de rappeler à la Commission d’enquête que le littoral vendéen a un ensoleillement qui avoisine celui de certaines parties de la Côte d’Azur !!!

>>>>Quant à l’énergie marémotrice , la France en a déjà fait l’amère expérience avec l’usine marémotrice de LA RANCE dont le bilan écologique était largement négatif .
A ce stade de nos évolutions dans le domaine de la transition énergétique , nous constatons que peu de pays ont mis l’énergie éolienne parmi leurs priorité et cela pour deux raisons :
- Le faible rendement de ce type d’énergie dont il faut compenser les faiblesses
- Les conséquences catastrophiques sur les paysages tant terrestres que maritimes .

Le champ d’éoliennes Yeu- Noirmoutier échapperait il à ces deux critiques ?
A l’évidence non !
——Par rapport au développement possible de l’énergie solaire dans cette zone particulièrement ensoleillée du littoral vendéen , une action volontariste de l’État dans le domaine solaire aurait autant sinon plus d’impacts positifs que ce champ d’éoliennes en mer et ce, à pour un coût largement inférieur !!!
De surcroît les effets négatifs sur l’environnement seraient quasi nuls surtout si les progrès de la technologie des nappes de capteurs souples permettraient de disposer de d’avantages de zones et de structures d’implantation.

3)- Un enjeu environnemental : cette opération est elle compatible avec la politique globale voulue par l’Etat de protection du littoral et de la mer littorale .?
Sur ce point , ne nous cachons pas l’évidence et la vérité : ce Champ d'éoliennes en mer Yeu-Noirmoutier serait une véritable catastrophe écologique et environnementale pour notre secteur des deux îles et pour cette partie du littoral vendéen. .
De surcroît ce serait une catastrophe permanente a l’opposé des « marées noires » que nous avons subies , qui ont pu être effacées et ont contribué à mettre en place la notion de « préjudice écologique ».
Il est quand même paradoxal de vouloir , pour les intérêts particuliers de certains investisseurs industriels et avec le soutien financier de l’Etat , détruire un environnement que , officiellement , le même État souhaite protéger en créant des « aires marine protégées », des zones Natura 2000 et d’autres procédures ...!!!

Le Conseil Général de la Vendée avait d’ailleurs voté , à ce sujet , une Motion parfaitement claire ,en septembre 2008, condamnant , sans ambiguïté , cette politique de développement forcé des éoliennes tant terrestres que maritimes .
Cette Motion avait été votée à l’unanimité sous la présidence de Philippe de Villiers.
Celui ci , constant dans ses convictions, a écrit , ce mois d’avril 2018 , a tous les maires de Vendée pour leur rappeler les conséquences négatives de ces éoliennes sur les paysages vendéens et sur certaines activités touristiques telles que le Puy du Fou ou le tourisme balnéaire .
Je ne peux , pour ma part , que partager cette analyse et cette prise de position .

D - Observations sur la crédibilité de la concertation et de l'enquête publique 


 1) la localisation du champ d’éoliennes Yeu-Noirmoutier
J’ai assisté aux premiers réunions de concertation concernant ce champ d’éoliennes .
Ma question sur le changement possible de localisation e été refusée au prétexte que c’était une condition de l’appel d’offre , que la zone géographique était inscrite au cahier des charges et qu’il était impossible d’en discuter et donc de la modifier.
La concertation perdait ainsi beaucoup de sa pertinence .
Je persiste à penser que la solution des uns ( les bénéfices du Consortium ) ne pouvait être le problème des autres ( le massacre de l’environnement des îliens ).
Une des solutions possibles aurait été de repousser plus au large la zone d’implantation du parc d’éoliennes pour atténuer l’impact visuel sur l’environnement et protéger davantage la zone de pêche des marins pêcheurs .
2) La protection de la « mer littorale » ( les 12 miles marins= 22,22km)
Comme beaucoup d’élus du littoral, je pense que l’Etat devrait aller au bout de sa logique de protection de cette zone très convoitée mais également très sensible .
Une protection particulière devrait pouvoir être instaurée dans cette bande des eaux côtières qui prolonge l’espace des « eaux intérieures » et où tant de convoitises s’expriment : extractions de granulats , pose d’éoliennes , forages divers etc ..
A part les activités maritimes traditionnelles ( trafics , pêche , nautisme ..) et certains travaux de développement ( ports, défense contre la mer , aquaculture ...) les projets fortement impactants devraient être limités voire interdits .

Je souhaitais qu’une telle disposition puisse être insérée dans les schémas littoraux mais cela a été refusé.
A ce stade j’ai du mal à cerner les logiques de la politique environnementale de l’Etat dans les zones maritimes côtières.

3) les « compensations »

Conscient des nuisances de leur projet le « Consortium » a promis des compensations .
Il est évident , depuis longtemps , que les promesses n’engagent que ceux qui les entendent ..et y croient !!
J’ai passé une grande partie de mes mandats d’élu local à faire enlever des centaines de poteaux électriques et à faire mettre en souterrain des milliers de mètres linéaires de lignes électriques BT, MT et HT.
Cela a été une réussite et nos avons ,ainsi , pu rendre à beaucoup de sites urbains ou naturels une qualité paysagère perdue depuis longtemps.
J’ai donc écrit , dès le début du projet , au « Consortium » une longue lettre leur suggérant , puisqu’ils mettaient des dizaines de mâts disgracieux face à nos Iles , de prendre l’engagement d’éradiquer , à titre de compensation, toutes les lignes aériennes restantes dans les villages de l’Ile de Noirmoutier.
Je n’ai jamais reçu de réponse a ce courrier .
De toute façon si la renégociation des contrats intervient , si les perspectives de résultats financiers diminuent ,il est évident que les promesses de compensation suivront le même chemin voire disparaîtront .

En conclusion, je suis en total désaccord avec ce projet et j'émets un avis négatif tant sur le projet de parc d'éoliennes Yeu-Noirmoutier que sur les raccordements de celui-ci au réseau.

Fait le 29 avril 2018
La Guérinière

Jacques Oudin "

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